Épisode 3/4 : Joseph Kessel : "J'ai vu en 1932 comment Hitler avait bâti toute sa propagande sur la religion de la haine"

En 1956, l'écrivain Joseph Kessel, auteur de Belle de Jour, de L'Armée des ombres, et deux ans plus tard de l'un de ses romans les plus célèbres, Le Lion, faisait au micro de Paul Guimard le récit de quelques-uns de ses grands souvenirs de reporter, pour une série de douze émissions diffusées sur les ondes de la radiodiffusion nationale.

Les marchés d'esclaves en Jordanie

Dans les septième, huitième et neuvième volets, Kessel se remémorait quelques-uns des personnages croisés au cours de trois reportages effectués pour "Le Matin". D'abord, à la toute fin des années 1920, au cours d’un voyage en Ethiopie et au Yémen, sur les traces d'un sinistre marché d'esclaves.

Joseph Kessel raconte le reportage qu'il a fait sur les marchés d'esclaves en Jordanie, reportage réalisé en grand secret puisque l'esclavage était interdit. Il évoque alors la figure de Henry de Monfreid qui les a aidés dans leur entreprise. Ce fut une épreuve pour Kessel de visiter les marchands d'esclaves et les tribus qui avaient pour habitude de chasser des esclaves comme on chasse des animaux.

Il a vu la haine dans le Berlin de 1932

Autre souvenir majeur, la montée du nazisme dans le Berlin de 1932, où il fut envoyé pour "couvrir" l'élection qui opposait le président Hindenburg à Hitler.

"En 1932, j'ai vu comment se préparait ce climat d'insensibilité à la mort et à la guerre civile. C'était une question de haine. Quand la haine est arrivée à ce point, la vie humaine ne compte plus. Hitler avait bâti toute sa propagande sur l'excitation, la religion de la haine.", raconte Joseph Kessel.

Il sillonne Berlin pour rendre compte du climat électoral, dans une ambiance de guerre civile : "J'ai été dans un autre quartier ouvrier, très pauvre, la salle était très grande, enfumée, crasseuse, il y avait des petites gens, des fonctionnaires, ouvriers, commerçants. Ils écoutaient avec avidité un agitateur qui portait la chemise brune, dont je sus après qu'il avait été un leader syndicaliste – il était habitué à manier foules. Il ne donnait aucun programme. Tout n'était qu'appel aux instinct les plus primitifs. (...) Ces forgerons de la haine transformaient des gens paisibles en fanatiques."

Retrouvez l'ensemble du programme d'archives  "La Nuit Joseph Kessel" proposé par Mathilde Wagman

• Par Paul Guimard
• Entretiens avec Joseph Kessel, témoin parmi les hommes 3/4 : Parties 7 à 9 (1ère diffusion : 27/04/1956 ; 04 et 11/05/1956 Chaîne Nationale)
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