

"Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l’Europe dans la mesure même où ils étaient, respectivement et éminemment, Italien, Allemand et Français". C'est lors d'une conférence de presse sur l'Europe, donnée le 15 mai 1962, que Charles de Gaulle prononça ces paroles restées célèbres.
- Charles de Gaulle homme d'Etat, général (1890-1970)
A l’heure où la France assume pour six mois la présidence tournante du Conseil européen il n’est pas inutile de réécouter l’une des déclarations publiques les plus marquantes d’un président français au sujet de l’intégration européenne.
Nous sommes en 1962, et Charles de Gaulle qui est revenu au pouvoir depuis déjà presque quatre ans, répond depuis l’Elysée aux questions des journalistes.
Une petite phrase prononcée pendant cette conférence de presse passe immédiatement à la postérité :
Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l’Europe dans la mesure même où ils étaient, respectivement et éminemment, Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et qu’ils avaient pensé, écrit en quelque "esperanto" ou "volapük" intégrés…
La formule typique de la rhétorique gaullienne est efficace et cruelle. Et elle résonne encore avec certaines critiques très actuelles sur le manque d’incarnation du projet européen. Mais comme toute formule elle était réductrice et ne résumait pas l’idée que de Gaulle pouvait se faire de l’Europe.
Voilà en tout cas une bonne raison d’écouter en longueur cette intervention du fondateur de la Cinquième République, dans cette conférence de presse du 15 mai 1962, qui débutait ainsi :
Dans un monde comme le nôtre, où tout se ramène à la menace d'un conflit mondial, l'idée d'une Europe unie et qui aurait assez de force, assez de moyens et assez de cohésion pour exister par elle-même, cette idée-là apparaît tout naturellement et elle apparaît d'autant mieux que les inimitiés qui l'avaient clairement déchirée, et en particulier l'opposition entre l'Allemagne et la France, ont actuellement cessé.
A propos de la construction économique et politique :
Aux yeux de la France, cette construction économique ne suffit pas. L'Europe occidentale, qu'il s'agisse de son action vis-à-vis des autres peuples ou de sa défense ou de sa contribution au développement des régions qui en ont besoin ou de son devoir d'équilibre européen et de détente internationale, doit se constituer politiquement et d'ailleurs, si elle ne le fait pas, la communauté économique elle-même ne pourra pas, à la longue, s'affirmer ni même se maintenir. Autrement dit, il faut à l'Europe des institutions qui la constituent en un ensemble politique.
Pour que nous nous organisions politiquement, commençons par le commencement. Organisons notre coopération, réunissons périodiquement nos chefs d'État ou de gouvernement pour qu'ils examinent en commun les problèmes qui sont les nôtres et pour qu'ils prennent à leur égard des décisions qui seront celles de l'Europe.
A propos de l'idée de patrie associée à la construction de l'Europe :
Et d'ailleurs, je ne crois pas que l'Europe puisse avoir aucune réalité vivante si elle ne comporte pas la France avec ses Français, l'Allemagne avec ses Allemands, l'Italie avec ses Italiens, etc. (...) Alors, il est vrai que la patrie est un élément humain, sentimental et que c'est sur des éléments d'action, d'autorité, de responsabilité qu'on peut construire l'Europe. Quels éléments ? Eh bien, les Etats. Car il n'y a que les Etats qui, à cet égard, soient valables, soient légitimes et, en outre, soient capables de réaliser. J'ai déjà dit, et je répète, qu'à l'heure qu'il est, il ne peut pas y avoir d'autres voies possibles que celle des États en dehors naturellement des mythes, des fictions, des parades. D'ailleurs, ce qui se passe pour la communauté économique le prouve tous les jours, car ce sont les États et les Etats seulement qui ont créé cette communauté économique.
La conférence de presse s'achevait ainsi :
Voyez-vous, quand on évoque les grandes affaires, eh bien on trouve agréable de rêver à la lampe merveilleuse, vous savez, celle qu'il suffisait à Aladin de frotter pour voler au-dessus du réel. Mais il n'y a pas de formule magique qui permet de construire quelque chose d'aussi difficile que l'Europe unie. Alors, mettons la réalité à la base de l'édifice. Quand nous aurons fait le travail, nous pourrons nous bercer aux contes des Mille et une nuits.
- Par Radiodiffusion Télévision Française (RTF)
- Avec Charles de Gaulle
- Extrait : De Gaulle et l’Europe : conférence de presse à l’Elysée (1ère diffusion : 15/05/1962)
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