Au coeur de la Résistance pendant la libération de Paris, Henri Tanguy (1908-2002) fut l'une des figures héroïques de sa génération, l'un des hommes qui, sans tenir compte des revirements partisans, ont affronté le fascisme sans relâche. Il revenait en 1987 sur sa vie d'engagement.
Tanguy était le nom que lui avait transmis son père, breton et marin. Rol était celui qu'il s'était choisi en hommage à son camarade des Brigades internationales, tombé dans la bataille de l'Ebre. En 1970, Henri Tanguy, colonel Rol, est officiellement devenu pour l'état civil Henri Rol-Tanguy. C'est sous ce nom qu'il est entré dans l'histoire pour son rôle majeur dans la libération de Paris. En 1987, il était l'invité de Georges Léon dans "Mémoires du siècle" pour un entretien qui nous rappelait que le combat de Rol-Tanguy n'avait pas commencé en août 1944. Il y eu avant les luttes syndicales, l'action politique au Parti communiste, la guerre d'Espagne et quatre années de résistance dans l'Armée des ombres. De Gaulle, lui, dédicaça le premier tome de ses Mémoires de guerre de ces mots : "Au colonel Rol-Tanguy en souvenir de notre combat. Ton compagnon, de Gaulle". "J'étais un chef militaire, disait Rol-Tanguy, et j'ai toujours obéi aux ordres du gouvernement provisoire de la République. Je n'ai reçu qu'une seule fois des instructions du parti via Charles Tillon, chef des FTP, et je n'en ai pas tenu compte." Son impeccable loyauté et les sentiments du général à son égard n'empêchèrent pourtant pas le communiste Rol-Tanguy d'être freiné dans la carrière militaire qu'il avait choisie après guerre. Qu'importe. Après tout, lui et quelques autres avaient déjà écrit la part la plus digne de notre histoire.
La lutte contre le fascisme en Espagne
En février 1937, Rol-Tanguy quitte la France pour s'engager dans les Brigades internationales. "Je n'ai pu partir qu'en février 1937 pour les Brigades internationales" explique le colonel Rol-Tanguy. "Cela, pour moi, était en quelque sorte une issue normale avec tout mon bagage militaire, politique, syndical. A l'époque, tous les jeunes communistes étaient très sensibilisés au danger fasciste. Ce qui a été pour les jeunes de ma génération la raison de vivre et de lutter, c'était l'antifascisme, car nous étions pénétrés par le danger que représentaient le nazisme et le fascisme. Pas seulement notre pays, mais pour l'humanité tout entière. Nous étions non seulement sensibilisés, mais nous étions appelés en quelque sorte à lutter et là alors, l'Espagne nous offrait la lutte les armes à la main."
Sensibilisés au danger du fascisme et de l'hitlérisme, les volontaires des BI venaient de 53 nations : on y recensait au moins dix-mille français, pour la plupart des communistes.
"C'était une fraternité, quelque chose d'extraordinaire puisque les volontaires des brigades venaient de 53 nations. Il y avait là, je dirais, la fine fleur des combattants antifascistes du monde entier. L'une des raisons profondes de l'engagement des Français dans les brigades internationales était naturellement l'esprit antifasciste. Mais c'était aussi une vision beaucoup plus, non pas lointaine, mais qui se situait dans l'avenir proche : éviter le fascisme à la France et surtout dresser un barrage contre l'hitlérisme. Malheureusement, nous n'avons pas été suivis. Et ensuite, c'était la Deuxième Guerre mondiale."
Le mariage avec Cécile, et l'entrée dans la Résistance
Cécile, son épouse l'accompagne dans tous ses combats contre les nazis : elle est à la fois son agent de liaison et sa secrétaire. Elle avait épousé Henri Rol-Tanguy, rencontré au syndicat des Métaux CGT de Paris où elle était employée. "Nous nous sommes mariés, Cécile et moi en avril 1939, explique le colonel, et je me souviens encore lui disant "Ecoute nous marier, dans six mois, ce sera la guerre". Je ne me trompais pas beaucoup." Cécile, jeune dactylo élevée dans une famille communiste, ne va pas hésiter un instant quand elle verra les Allemands dans Paris. En 1940, elle entre dans la Résistance et devient agent de liaison de son époux pendant quatre ans. La jeune femme va transmettre des messages et des armes. Rien ne l'arrête, pas même ses enfants qui sont encore très jeunes. Malgré la perte de son père mort en déportation, Cécile Rol-Tanguy continue. C'est elle qui va assurer le secrétariat de son mari dans l'abri souterrain parisien qui sert d'état major au FFI, les Forces Françaises de l'Intérieur.
Rol-Tanguy, quant à lui, devient chef des FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français), l'organisation du parti communiste. Affecté fin 1943 au titre des FTP dans les FFI (Forces Françaises de l'intérieur), il y est désigné chef régional de l'Île-de-France en juin 1944. Son quartier général se situe dans les catacombes non loin de la statue du lion de Belfort, place Denfert-Rochereau. De là il organise l'insurrection parisienne (19 au 25 août), rejoint par la 2ème division blindée de Leclerc.
L'insurrection parisienne
C'est son épouse Cécile Rol-Tanguy, qui tape l'ordre de l'insurrection parisienne dicté par son mari, devenu le chef militaire des Forces Françaises de l'Intérieur d’Île-de-France, le 18 août 1944. Cette insurrection aboutit, huit jours plus tard, à la libération de la capitale.
"Moi, je n'avais pas qualité de donner l'ordre d'insurrection. C'était de la responsabilité du Comité parisien de libération et du Conseil national de la résistance. Mais en tant que chef militaire, j'avais le droit de donner des ordres de combat. C'est pourquoi, le 19 août au matin, dès 6 heures, c'est mon épouse qui a tapé cet ordre de combat. A partir de 9 heures du matin, les formations FFI, y compris la police parisienne, avaient ordre de combat. Et ce n'est que deux heures après que le Comité parisien de libération ont pris la décision du mot d'ordre d'insurrection."
Par Georges Léon - Avec Henri Rol-Tanguy - Réalisation Noureddine Saoudi
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