Écrire l'histoire des femmes : rompre le silence et représenter les femmes : épisode 1/10 du podcast Histoire des femmes, par Michelle Perrot

Des femmes défilent le 1er mai 1968 lors de la manifestation de la Fête du travail à Paris. Les années 70 s'accompagnent de la prise de conscience du machisme.
Des femmes défilent le 1er mai 1968 lors de la manifestation de la Fête du travail à Paris. Les années 70 s'accompagnent de la prise de conscience du machisme. ©AFP - ©JACQUES MARIE / AFP
Des femmes défilent le 1er mai 1968 lors de la manifestation de la Fête du travail à Paris. Les années 70 s'accompagnent de la prise de conscience du machisme. ©AFP - ©JACQUES MARIE / AFP
Des femmes défilent le 1er mai 1968 lors de la manifestation de la Fête du travail à Paris. Les années 70 s'accompagnent de la prise de conscience du machisme. ©AFP - ©JACQUES MARIE / AFP
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Michelle Perrot revient sur la récente histoire des femmes, sa construction, son récit et ses évolutions. L'historienne mêle sa propre expérience, se voulant médiatrice de cette histoire davantage que porte-parole.

Première diffusion le 28 février et le 1er et 2 mars 2005.

"De cette naissance j’ai été le témoin, à ce titre je voudrais dire un mot de mon expérience, significative du passage du silence à la parole et du changement de regard qui fait l’histoire." Michelle Perrot, historienne.

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Épisode 1 : "Mon histoire des femmes", par Michelle Perrot

Dans mon adolescence je voulais accéder au monde des hommes, celui du savoir et de la profession, du côté de ma famille je ne rencontrais pas d’obstacle, mes parents me poussaient aux études et à l’ambition. Dans l’université d’après-guerre, les enseignants étaient tous des hommes mais les étudiantes étaient de plus en plus nombreuses.

  • Une date dans l’histoire des femmes : Simone de Beauvoir et Le Deuxième Sexe

Ce fut un scandale que Sylvie Chapron, une jeune historienne a raconté. J’étais résolument du coté de Simone de Beauvoir qui fut une figure, comme une vie exemplaire à laquelle je souhaitais me conformer sans toujours oser. Mais la lecture partielle du Deuxième Sexe ne me bouleversa pas, j’en vis la richesse seulement plus tard, ailleurs.

  • Une histoire des femmes en évolution

L’histoire des femmes existe, elle a changé ; dans ses objets, dans ses points de vue. Elle est partie d’une histoire des corps, des rôles privés des femmes, pour aller vers une histoire des femmes dans l’espace public : la cité, la politique, la création. Elle est partie d’une histoire des femmes victimes pour aller vers une histoire des femmes actives dans les multiples interactions qui font le changement. Elle est partie d’une histoire des femmes pour devenir maintenant une histoire des genres insistant sur les relations entre les sexes et prenant en compte la masculinté. Elle a élargi ses perspectives spatiales, religieuses, culturelles. Cette histoire des femmes n’est pas mon histoire des femmes mais l’histoire qu’on faite beaucoup de femmes dont je ne suis au fond ici pas même le porte-parole mais la médiatrice.

Épisode 2 : Le silence rompu

Pourquoi ce silence ? Les femmes ont-elles une histoire ? La question peut paraître étrange, "tout est histoire" disait George Sand. Quel sens donner au mot "Histoire" ? L’Histoire c’est ce qu’il se passe : des changements, des révolutions, des accumulations qui tissent les sociétés. Mais c’est aussi le récit que l’on en fait. Ce silence profond, les femmes n’y sont certes pas seules ; il enveloppe le continent perdu des vies englouties dans l’oubli où s’abolit la masse de l’humanité. Mais le silence pèse plus lourdement encore sur les femmes à travers le temps et ceci pour plusieurs raisons : les femmes sont moins visibles dans l’espace public, la parole publique des femmes est "indécente", même le corps des femmes effraient ; elles apparaissent dans la pénombre obscur.

  • Comment est née une histoire des femmes ?

Différents facteurs, à la fois scientifiques, sociologiques, et politiques expliquent sa naissance. La nouvelle histoire des années 1970 multiplie de nouveaux objets d'intérêt : les enfants, la vie privée (Georges Duby, Le chevalier, la femme et le prêtre, 1981) ou encore l’Histoire de la sexualité (1976) avec Michel Foucault. Le climat intellectuel change et la manière de raconter l’histoire aussi. Il y a plus profondément une volonté de voir les choses autrement. La question se pose alors de savoir si nous n’avons pas écrit l'Histoire seulement d’un point de vue des hommes ? La différence de sexe ne va-t-elle pas modifier notre manière de voir l'Histoire ? Voilà comment nous sommes passés de l’invisibilité à la visibilité.

Épisode 3 : Les femmes représentées, discours et images

Leur présence est souvent gommée, leurs traces effacées, leurs archives détruites. Le manque de traces pour écrire l’histoire des femmes est notoire. Regardez l'orthographe, la grammaire. En cas de mixité on utilise le masculin, le "il" dissimule le "elle". Même chose pour les statistiques, souvent asexuées. La sexuation des statistiques existe désormais, mais elle est encore récente. Autrefois, par le mariage, les femmes perdaient leur nom, rendant la reconstitution de lignées féminines difficile.

  • La destruction des traces

Les traces des gens aisés persistent davantage, c’est la même chose pour les sexes. Dans un couple on conserve les papiers de l’homme mais pas ceux de sa femme. De plus, jusqu'à une date récente, on ne s’intéressait pas aux archives privées. Les femmes elles-même avaient tendance à s’auto-détruire, jugeant que leur vie ne valait pas grand-chose et refusant que l’on jette un coup d’œil indiscret sur leur histoire privée. Brûler ses papiers dans la chambre d’intimité désertée était un geste classique d’une femme âgée. Au théâtre de la mémoire, les femmes sont ombres légères.

  • Les discours

Il existe une surabondance de discours sur les femmes, sur ce qu’elles sont ou devraient être ainsi qu'une avalanche d’images littéraires ou plastiques. Des femmes on parle de manière obsessionnelle. Dans les textes philosophique, la question de la sexuation se présente toujours comme une question portant sur les femmes car elles sont "différentes", pour Rousseau il y a "leur sexe et le nôtre".

Par Michelle Perrot - Réalisation Pierrette Perrono

Les Lundis de l'histoire

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