"J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main" : en 1975 le mariage tenait-il bon ?

Mother Shows You How : at a wedding. From Teddy Bear (1973)
Mother Shows You How : at a wedding. From Teddy Bear (1973) ©Sipa - Mary Evans
Mother Shows You How : at a wedding. From Teddy Bear (1973) ©Sipa - Mary Evans
Mother Shows You How : at a wedding. From Teddy Bear (1973) ©Sipa - Mary Evans
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Cette année-là, en 1975, Giscard faisait passer sa réforme sur le divorce. Dans l’émission "Deux cents minutes pour comprendre" on répondait à la question : "Le mariage tient-il bon ?" avec des sociologues, des historiens, des écrivains, dont Arlette Farge et Claude Gutman.

Avec
  • Claude Gutman écrivain
  • Jean Freustié Ecrivain et critique littéraire
  • Evelyne Gutman Ecrivaine
  • Jacqueline Manicom Ecrivaine
  • Michel Meignant Sexologue
  • Colette Holstein Brunswick Avocate
  • Alain Laurent philosophe, essayiste et directeur de collections aux Belles Lettres
  • Arlette Farge historienne spécialiste du 18e siècle, directrice de recherches en histoire au CNRS
  • Alain Girard Sociologue et démographe

Le mariage, c'est deux billets d'avion aller vers une île inconnue. On en revient à la nage ou jamais. Félix Leclerc 

"Le mariage tient-il bon ? " c'était la question posée par l'émission "Les après-midi de France Culture - Deux cents minutes pour comprendre" en 1975. Cette année-là, celui-qui à la barre tenait bon, c'était Giscard qui, pour vivre avec son temps, faisait passer en juillet sa réforme du divorce, en dépit d'une majorité qui traînait un peu les pieds… Jusqu'alors le divorce n'était possible qu'en cas de faute constatée de la part d'un des deux conjoints. La réforme instaurait le divorce par consentement mutuel et celui pour rupture de la vie commune. En somme, un air de liberté flottait sur le mariage. Aujourd'hui qu'il est, comme le divorce, pour tous, il n'est pas inintéressant d'écouter ce qui se disait du mariage il y a 40 ans, où l'on interrogeait la figure du couple de l'époque à travers l'institution maritale. 

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L'émission proposait des reportages, des témoignages sur le mariage ainsi qu'un débat avec l'historienne Arlette Farge, les sociologues Alain Girard et Alain Laurent, l'avocate Colette Holstein Brunswick, le père Georges Araud, Evelyne et Claude Gutman, auteurs de l'essai, Le Mitan du lit, le romancier Jean Freustié, le sexologue Michel Meignant, parmi beaucoup d'autres. Ils faisaient un retour historique sur le mariage, "acte public et social", la baisse du nombre des mariages dans les pays occidentaux. Ils abordaient les thèmes suivants : l'évaluation des chances de réussite d'un mariage ; les pressions financières de la société en faveur du mariage ; le conformisme et le contrat social ainsi que les frustrations liés au mariage. Étaient abordés également les aspects juridiques, psychologiques et sexuels du mariage, ainsi que la place des enfants.

Le mariage ici et maintenant

Il s'agissait de parler du mariage d'alors, dans la société occidentale, puisqu'il n'y a pas qu'un seul mariage sur Terre. L'institution du mariage a été une des bases de la construction de notre société.

Qu'est-ce que la société a à voir dans le mariage ?

Le mariage est un affaire publique, un affaire sociale. C'est une institution fondamentale qui permet à la société de se reproduire, de se survivre à elle-même, et par conséquent elle ne peut pas s'en désintéresser. Il faudra trouver un accommodement entre l'état des mœurs, la plus grande liberté, et cette institution. Alain Girard

En 1975, la société française assiste à une baisse des mariages par rapport à ce qui était attendu, concomitante à une augmentation des divorces.

Jusqu'à quel point les époux se choisissent-ils ?

Dans cette seconde partie de l'émission, les invités débattent autour des clivages sociaux qui se perpétuent dans la formation de couple. Alors que certains défendent un certain hasard de l'amour, d'autres confirment le fameux adage "qui se ressemble s'assemble". A quel point sommes-nous libres de choisir notre conjointe ou notre conjoint ? 

Dans un sondage effectué auprès des auditeurs sur la question "Un bon mariage est-il nécessairement un mariage d'amour ?", 33% ont répondu Non.

Pourquoi se marier ?

Pour une bonne part des mariages, on cède à un conformisme, pour faire comme tout le monde. Si on ne le fait pas, on passe pour un anormal. On sait comment on appelle les célibataires dans notre société : les vieux garçons et les vieilles filles. Le mariage est aussi une sorte d'assurance, d'exorcisme contre la solitude. C'est une assurance pour l'avenir.

L'écrivaine Jacqueline Manicom explique pourquoi elle a voulu garder son nom en se mariant : "On se retrouve soi-même, on se retrouve véritablement sans être dépendante d'un autre homme."

Mariage : isolement ou épanouissement ?

Nombreuses sont les femmes qui, après le mariage et la première grossesse, arrêtent de travailler. Le mariage est-il aussi épanouissant qu'on nous le promet ? Promet-il la fin de la solitude ?

Ce qui m'a stupéfiée c'est qu'en me mariant, j'étais fichue pour le désir d'autrui. En entrant dans la vie affective à deux, je n'avais plus le droit de regarder un autre homme et je n'avais plus le droit d'être regardée. C'est quelque chose que je n'ai jamais pu accepter et que je remets en question. Arlette Farge

Le sexologue Michel Meignant présente les limites qui peuvent survenir contre l'épanouissement d'un couple : "Je crois que le couple tel qu'il est conçu dans la psychologie française a bien des inconvénients. Il y en a tellement qu'on rencontre des gens qui présentent les mêmes troubles que les prisonniers de guerre. Pour eux, le mariage est devenu une prison parce qu'ils n'ont pas pu réaliser ce qu'ils voulaient réaliser."

Le mariage a-t-il de l'avenir ?

Dans cette dernière partie de l'émission, nos invités débattent sur la viabilité du mariage dans la société.

Dans la perspective de la nouvelle loi, on envisage un autre type de mariage, qu'on n'aborde pas avec la conception d'une relation qui lie les deux êtres définitivement. En permettant à l'un des époux de divorcer, on en arrive déjà à une image nouvelle du mariage. Colette Holstein Brunswick

  • Production : Nadine Nimier et Marie-Hélène Fraïssé, Michel Bichebois
  • Les après-midi de France Culture - Deux cents minutes pour comprendre : Le mariage tient-il bon ?
  • 1ère diffusion : 26/06/1975
  • Indexation web : Sandrine England, Documentation Sonore de Radio France
  • Archive INA-Radio France