La Nuit des féminismes 1/2 : Quelques pionnières... (8/10) : Louise Weiss : "Ma campagne d’ironie a duré près de quatre ans : chaque semaine, je paraissais sur les écrans des actualités avec les suffragettes"

France Culture
Publicité

"Mémorables", cinquième et dernier volet d’une série d’entretiens avec Louise Weiss, journaliste, femme de lettres, féministe et femme politique française, menée par Patrice Galbeau en 1981. Elle racontait avec panache son combat avec les suffragettes dans les années 1930.

_"Les mains des femmes sont-elles bien faites pour le pugilat de l’arène publique ? Plus que pour manier le bulletin de vote, les mains des femmes sont faites pour être baisées, baisées dévotement quand ce sont celles des mères, amoureusement quand ce sont celles des femmes et des fiancées : … Séduire et être mère, c’est pour cela qu’est faite la femme". _ *
Ainsi s’exprimait Alexandre Bérard, sénateur de l’Ain et Vice-président du Sénat, dans un rapport rédigé en 1919, portant sur plusieurs propositions de loi tendant à accorder aux femmes l’électorat et l’éligibilité. Il fallut attendre l’année 1944 pour que les femmes françaises obtiennent le droit de vote, et 1945 pour que leurs "délicates mains" placent enfin un bulletin dans une urne électorale... 
En 1981, dans un entretien accordé à Patrice Galbeau, Louise Weiss avait raconté de quelle façon elle s’était engagée dans le combat suffragiste, en 1934, après seize années passées à diriger l’Europe nouvelle, la revue qu’elle avait co-fondée. Elle rappelait qu’après sa fameuse "campagne d’ironie" menée avec les suffragettes françaises, la Chambre des députés avait, à l’unanimité, en juillet 1936, voté un texte en faveur du droit de vote des femmes – texte qui ne fut jamais, hélas, inscrit à l’ordre du jour du Sénat.
En 1934, je suis écoeurée d’entendre Goebbels défendre les thèses hitlériennes à la tribune de la Société des Nations et être applaudi par ceux qui avaient ovationné Briand deux ans plus tôt. Quels mensonges ! Quelle hypocrisie ! J’en ai cassé ma plume. J’ai quitté le journal que je menais avec tant de succès et je me suis lancée dans le combat pour l'égalité politique et civique des hommes et des femmes.
Elle est conseillée par la suffragette et féministe anglaise Sylvia Pankhurst qui lui dit : "Il faut que vous soyez à la une tous les jours, rien ne résistera à ce fait-là ".
Je me suis demandée comment être à la une tous les jours et je me suis dit : par l’ironie. Cela ne cause de dommages à personne, cela ameute les foule, cela ouvre et maintient la discussion continuellement. (...) Nous avons distribué des bouquets de myosotis aux députés, puis des chaussettes reprisées aux sénateurs (...). Tout le monde riait. 
Cette "campagne d'ironie" plutôt que de violence correspondait mieux selon elle à la culture latine :
Ma campagne d’ironie a duré près de quatre ans, toutes les semaines je paraissais sur les écrans des actualités avec les suffragettes. Nous devenions très populaires et finalement les hommes politiques ont commencé à nous redouter...
Barrage de la rue Royale, blocage du départ de la course du Grand prix, les actions des suffragettes s’enchaînaient et la cause progressait. En juillet 1936, la Chambre des députés votait un texte en faveur du droit de vote aux femmes - qui ne fut jamais, hélas, inscrit à l'ordre du jour du Sénat. 
Par Patrice Galbeau 
Réalisation Sylvie Migault
Mémorables - Louise Weiss, 5 : la suffragette (1ère diffusion : 31/03/2003)
Avec en archives, la voix de Louise Weiss (montage d’entretiens datant de 1981) 
Indexation web : Sandrine England, Documentation Sonore de Radio France
Archive Ina-Radio France

Publicité

L'équipe