Pour voir un film, seule la salle de cinéma invite à sortir de chez soi, à déplacer son corps pour lui faire rejoindre ceux d'autres êtres humains assis devant un écran plus grand qu'eux. Durant cette Nuit, c'est de l'expérience vécue par le spectateur des salles cinéma dont il est question.
- Claude-Jean Philippe Auteur, réalisateur et producteur de télévision et de radio
A l'occasion du 75e Festival de Cannes, Le cinéma sur grand écran, une sélection d'archives proposée par Albane Penaranda.
Il fut un temps où le cinéma se regardait sur un grand écran blanc, dans une salle plongée dans le noir, et entouré de gens que l'on ne connaissait pas. Les plus petites de nos villes avaient alors leur cinéma et les plus grandes, à côté d'une multitude de salles de quartier et de banlieue, pouvaient posséder d'immenses salles capables d'accueillir pour certaines plusieurs milliers de spectateurs. Il y a belle lurette que la concurrence du petit écran, avant celle du magnétoscope et du lecteur DVD, a fait disparaître la plupart de ces salles. Mais si en moins d'un siècle on est passé du Gaumont Palace, avec ses six mille places et son écran gigantesque, aux plateformes de VOD et à la consommation des films en solo sur écrans de smartphone, la salle obscure résiste. Elle seule invite à sortir de chez soi pour voir un film, à déplacer son corps pour lui faire rejoindre ceux d'autres êtres humains assis devant un écran plus grand qu'eux.
Durant cette Nuit, ce sera principalement de l'expérience vécue par le spectateur des salles cinéma dont il sera question. Pour la plupart de ceux que nous entendrons dans les archives de notre programme, ce fut au cinéma que se fit la découverte des films. Enfants de la guerre et de l'après-guerre, ils auront été des dernières générations dont l'enfance aura ignoré la télévision, des dernières générations à n'avoir fait leur apprentissage du cinéma que dans les salles et, comme on l'entendra, d'y avoir fait pour certains une part essentielle de leur éducation.
Au premier rang d'entre eux, l'écrivain, philosophe et critique d'art Jean-Louis Schefer, auteur en 1980 de L'homme ordinaire du cinéma , que nous entendrons à plusieurs reprises dans cette Nuit. À sa voix se joindront d'autres voix pour témoigner dans les archives de notre programme de leurs années d'éducation par le cinéma, et d'une cinéphilie qui fit d'eux des critiques, historiens, techniciens ou réalisateurs de cinéma : Serge Daney, Charles Tesson, Michel Boujut, Noël Simsolo, Alain Corneau, Claude-Jean Philippe, Jean-Claude Brisseau … et d'autres plus jeunes Caroline Champetier, Antoine de Baecque, Philippe Le Guay . À leurs témoignages se mêleront aussi ceux de spectateurs anonymes des salles obscures. Celui par exemple d' Odile Converset , professeure de musique cinéphile et non-voyante, qui en 1988 dans l'émission Microfilms s'entretenait avec Serge Daney auquel elle confiait : " Je ne perçois pas tout dans un film… Mais qui perçoit tout dans un film ?".
L'écran de la salle de cinéma est-il encore capable de fabriquer, sinon une mémoire, tout au moins des souvenirs de cinéma aussi vifs que ceux que nous allons entendre rapportés dans les archives de cette Nuit ? Pour en avoir une idée, nous vous proposons d'entendre dans cette Nuit ce qui se vivait dans les salles obscures il y a maintenant pas loin… d'une éternité.
- Par Albane Penaranda
- Réalisation : Virginie Mourthé
- Le cinéma sur grand écran - Présentation (1ère diffusion : 29/05/2022)
- Indexation web : Documentation Sonore de Radio France
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