Lieux de mémoire - Guignol

Dans les coulisses du théâtre du Guignol à Lyon
Dans les coulisses du théâtre du Guignol à Lyon ©Getty - Jean-Luc PETIT/Gamma-Rapho
Dans les coulisses du théâtre du Guignol à Lyon ©Getty - Jean-Luc PETIT/Gamma-Rapho
Dans les coulisses du théâtre du Guignol à Lyon ©Getty - Jean-Luc PETIT/Gamma-Rapho
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Deux syllabes scandées par les enfants à l'envi : Gui-gnol. Futé, gouailleur, on peut se moquer de lui, le berner pendant un certain temps… mais pas très longtemps. Mais dans les parcs et jardins de Lyon, Paris ou d'ailleurs, Guignol est aussi... un lieu de mémoire.

Avec

Visage poupin, redingote marron et cadenettes, futé, gouailleur, bon sens et bon cœur, toujours prêt à rendre service. Facile à berner mais se tirant toujours d’affaire : ce bonhomme-là sur scène ne fait pas le guignol, il l’est. Mais qui est-il vraiment ? Où est-il né ? Qui lui a donné son nom ? Pour quel public a-t-il été créé ? Pour les enfants, les adultes ? Pourquoi et comment a-t-il traversé les générations ?

A propos de Guignol, le cinéaste espagnol Luis Buñuel écrivait : "Audacieux, bruyant, vipérin, osé, il enfreint à l’occasion les bonnes mœurs, se moque du juge, bat le gendarme, bastonne ou rosse le commissaire, ruine le propriétaire, mais au fond il est généreux et bon garçon. Il est tout à fait de ce pays où les révolutions se font avec des chansons. Il a le masque de Figaro, mais aussi celui de Cyrano. Il est de notre race, nonchalante mais traditionnellement éveillée et qui se fait tout pardonner avec un bon mot. C’est un enfant terrible mais on l’aime et on n’a pas le courage de le gronder."

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Quant au cinéaste Jean Renoir, qui le découvre à la fin des années 1890 grâce à sa nourrice, Gabrielle Renard, qui est aussi le modèle de son père Auguste, il attribuait à la petite marionnette une influence décisive sur ses choix esthétiques postérieurs :

Vers l’âge de 5 ans, Gabrielle me fit découvrir Guignol. Je devins un passionné de cette forme de spectacle. A l’encontre du Guignol des Champs-Elysées, celui des Tuileries m’attirait par ses décors grisâtres dans lequel évoluaient des personnages aux couleurs ternes. Quand j’essaie d’éveiller dans ma mémoire un souvenir direct de ce théâtre, j’en associe le style à celui des peintures de Braque ou de Chardin. Guignol contribua certainement à ma formation plastique. Celui des Tuileries m’a donné la crainte des contrastes brutaux. Au début de ma carrière cinématographique, j’ai exagéré ces contrastes. C’était une erreur, ce n’était pas le genre de cinéma qui me convenait. Guignol m’a aussi donné le goût des histoires naïves et une méfiance profonde pour ce que l’on a convenu d’appeler la psychologie.

Guignol, un spectacle pour les gones ?

Guignol a été inventé par un tisseur de soie, un de ces nombreux canuts lyonnais que la Révolution française a privés de travail. Devenu colporteur sur les marchés, Laurent Mourguet s'essaie à l’art dentaire, et commence à utiliser de petites marionnettes, au départ pour pouvoir appâter la clientèle, mais finalement, délaisse bien vite la dentisterie... pour se consacrer entièrement à ses marionnettes.

Guignol, c’est 50% Figaro, 50% Scapin. C’est une marionnette qui est faite pour taper sur le gendarme, pour taper sur les gens en place. Cette association systématique avec l'enfance m’énerve ! Mon ancêtre, quand il a créé Guignol c’était tout public, et je pense même qu’il y avait plus d’adultes dans le public au départ. C’est en arrivant chez les Parisiens que Guignol s’est dénaturé, qu’il est devenu un spectacle pour enfants, pour ne pas dire infantilisant ! Jean-Guy Mourguet

Guignol, figure de l'agit-prop ?

Le comédien et metteur en scène Marcel Maréchal, natif de Lyon comme Guignol, évoque son attachement à un personnage emblématique pour lui de l'esprit agit-prop dans lequel il se reconnaissait.

Tour le monde connaît les Guignols de l’info mais plus personne ne sait qu'ils descendent du Guignol lyonnais, qui s’est appelé tour à tour Guignol, Chignol, Chignolo… A l’origine, le Guignol n’était pas un théâtre pour enfants, ce n’est qu’après que ça a été récupéré par de mauvais manipulateurs dans des castelets criards, avec de très mauvais textes, bêtifiants. A Lyon, Guignol était un théâtre politique, de défense des humbles, c’était des revues satiriques, une forme d’agit-prop. J'ai eu la chance de pouvoir y retourner en compagnie de Jacques Audiberti que j’ai emmené dans ce très joli théâtre de Guignol sur le quai Saint-Antoine, qui malheureusement n’existe plus aujourd’hui. 

Avec Jean-Guy Mourguet, Marcel Maréchal et Jean Brunel

Production : Catherine Soulard
Réalisation : Jean-Claude Loiseau

Cette émission a été diffusée pour la première fois le 4 mars 1999.

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