Paul Valéry, un poète fragile et brûlant

Paul Valéry en 1937
Paul Valéry en 1937 ©Getty - 	Keystone-France
Paul Valéry en 1937 ©Getty - Keystone-France
Paul Valéry en 1937 ©Getty - Keystone-France
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Chaque matin pendant plus de 50 ans, avant que ne commence la vie ordinaire, Paul Valéry écrivait. Il a rempli des milliers de pages dans plus de 260 cahiers. Découvrez le portrait d'un poète fragile et brûlant, sensible et attachant.

Paul Valéry (1871-1945) est né à Sète, ville qu'il immortalisera avec son célèbre poème Le Cimetière marin, dans lequel il compare la mer à un "toit tranquille où marchent les colombes". C'est dans ce cimetière marin de Sète qu'il repose aujourd'hui, après avoir été l'un des dernier poètes français à connaître des funérailles nationales - à la demande de Charles de Gaulle, quelques semaines seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Parce qu'il multipliait les discours, préfaces et oraisons funèbres, Valéry était de son vivant raillé comme le "Bossuet de la IIIe République". Aujourd'hui encore, il demeure prisonnier d'une image d'homme de lettres en faux col, froid, intellectualiste et mondain. Découvrez au contraire dans cette émission un Valéry sensuel et paradoxalement moderne.

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Je ne travaille qu'à différer, devenir différent. Paul Valéry, Cahier n°4

Je me sais infiniment sociable, et je me sens incroyablement seul. Paul Valéry, Cahier n°10

Concordance des temps
1h 00

Imaginez un homme qui tous les jours de sa vie se force à être intelligent, s'entraînant comme un sportif de haut niveau : il s'adonne à ce qu'il nomme des "exercices matinaux d'athlétisme dans les choses mentales et verbales". Tous les jours il dessine, compose des poèmes, écrit sur les sciences, la danse, l'architecture, la politique, l'histoire ou la philosophie. C'est pour lui qu'il écrit d'abord, en tant que Robinson de l'esprit - même si sa célébrité s'étend. Tout part d'une fragilité émotive, qu'il tente de combattre, et qui finira par le submerger.

Si on voulait penser à Valéry comme figure cinématographique ou comme incarnation visuelle, il faudrait ne pas oublier la cigarette, le besoin compulsif du tabac directement lié à la pensée et à la production écrite, le café, et la toux. Valéry est un mal-portant, il parle vite, il lui arrive de bafouiller, mais surtout il tousse énormément. Ces trois dimensions campent le personnage. Une autre dimension qu'il ne faut jamais oublier, c'est celle du manque. C'est quelqu'un qui a toujours été dans une certaine pénurie, notamment sur le plan financier, qui a couru derrière l'argent, en vivant dans un milieu beaucoup plus riche que lui.    
Benoît Peeters

J'aime Valéry pour toutes les raisons que l'on peut avoir de l'oublier.          
Pour sa magnifique tenue, son allure de corps et de langue, du bout des vers au bout des ongles, homme de lettres vieillot, avec bagues et cravate, comme vêtu de sa tâche et de la noble idée qu'il s'en fait.          
Pour sa façon de dire adieu au poème, en y mettant les formes.          
Pour son goût de l'appareillage et des étranges combinaisons, des liaisons et des tissages : grappes d'images et groupes de pensée, assemblés pour le plaisir double des sens et de l'intelligence.          
J'aime en ce disparu lointain un contemporain capital qui poursuit le combat.          
Jean-Michel Maulpoix

Émission originale : "Une vie, une œuvre" (2010), par Christine Lecerf, réalisé par Jean-Claude Loiseau. Présentée dans les "Nuits de France Culture" par Mathieu Carrigou-Lagrange.

Avec :

  • Bernard de Fallois
  • Michel Jarrety
  • Jean-Michel Rey
  • Jean-Michel Maulpoix
  • Benoît Peeters

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