"Pierre Reverdy, le poète oublié", une sélection d'archives avec et sur le poète lié au cubisme, au surréalisme et à Dada. Il fut l'amant de Coco Chanel et l'ami de Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire, Georges Braque et Max Jacob, rencontrés dès 1910 à Montmartre.
Le nom de Pierre Reverdy ne résonne aujourd’hui que comme une coquille vide. C’est un nom qu’on se souvient peut-être avoir entendu ou lu brièvement, au détour d’un livre ou d’un article, sans vraiment y prêter attention. Aucun de ses poèmes n’est rentré dans le répertoire canonique des poèmes français qu’on enseigne à l’école. Rares sont ceux ou celles capables de réciter, voire seulement d’évoquer l’un de ses poèmes.
Reverdy n’est pas un Rimbaud, un Baudelaire ou un Apollinaire. Sa poésie ne resplendit pas d’un éclat qui irradie tout son siècle, se gravant dans la rétine collective des lectrices et des lecteurs. Au sein d’une constellation d’œuvres brillantes, celle de Reverdy n’émet pas de lumière. Enveloppée dans un épais brouillard, en distinguer les contours est un exercice périlleux. Reverdy n’a jamais cherché à être identifiable, classifiable ; son œuvre est aussi sombre qu’elle est protéiforme, du vers libre au poème en prose, en passant par le roman et les notes sur la théorie. Elle s’apparente moins à une étoile qu’à un trou noir où, dans ses mots, le vent se rue.
Rien ne se construit dans la poésie de Reverdy : elle ne donne pas naissance à des univers fantastiques, elle ne cherche pas à poétiser, enchanter le monde. Au contraire, le monde semble déchanter, disparaître presque pour ne laisser qu’une pesanteur assourdissante où la lumière fade du crépuscule peine à pénétrer la brume. Sa poésie cherche une émancipation radicale d’un monde qu’elle ne convoque que très peu. Loin d’un miroir réfléchissant, elle est plutôt une mare vaseuse dans laquelle le lecteur ne peut se mirer. Reverdy n’offre aucun repère, aucune accroche ; on y trouve quasiment aucun nom propre, aucune référence érudite.
La mythologie de Reverdy est une mythologie exclusivement personnelle : son œuvre est repliée sur elle-même et son univers est clos, presque suffoquant. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles sa poésie est tombée dans l’oubli, l’effort demandé au lecteur étant trop grand, trop pénible, trop anxiogène. Un poète comme Apollinaire peuple ses poèmes de myriades de références et de personnages ; chez Reverdy, il n’y a pas d’Hermès Trismégiste ni de bergère, mais bien une solitude radicale.
Cette solitude, c’est aussi celle, paradoxale, de l’auteur lui-même, dont cette nuit retrace l’itinéraire singulier, de sa naissance le 11 septembre 1889 à Narbonne, à sa mort le 17 juin 1960 à Solesmes.
- Par Mathias Le Gargasson
- Réalisation Virginie Mourthé
- Pierre Reverdy, le poète oublié - Présentation (1ère diffusion : 03/04/2022)
- Indexation web : Documentation sonore de Radio France
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