Raymond Aron : "Le régime constitutionnel est celui qui respecte le fil de soie et refuse le fil de l'épée"

France Culture
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Avec la douzième de ses dix-neuf leçons, Raymond Aron ouvrait la troisième partie du cours de sociologie consacré à l'aspect politique des sociétés modernes. Il y proposait une analyse du régime de parti monopolistique, qui commence par la présentation des différents types de régimes à parti unique. Dans cette troisième partie de son cours de 1958 consacré aux Théories sociologiques des démocraties, le professeur Aron proposait une analyse du régime de parti monopolistique. Mais avant cela, il revenait dans une longue introduction sur ce qui était l'objet de sa précédente leçon, à savoir le régime français de la Quatrième République, pris comme exemple de régime corrompu, en envisageant les issues à la crise politique engendrée par le problème de l'Algérie. Problème qu'il qualifiait "d'urgent et pathétique". Parmi les issues possibles, il mentionnait évidemment celle de la dictature, mais au sens romain, celle du "sauveur légal", dont le nom était alors sur toutes les lèvres. Une solution dont Raymond Aron comptait par avance les dupés parmi ses partisans. Il fustigeait les traits structurels du régime français, à savoir "la pluralité et l'indiscipline des partis"

Typologie des régimes "du fil de l'épée" 

Dans la suite de cette douzième leçon, Raymond Aron présente les différents types de régimes de parti monopolistique, objet de ses leçons suivantes. Régime qu'il appelait là, avec un peu de malice, "régime du fil de l'épée", en l'opposant au régime "du fil de soie". "Les régimes constitutionnels, disait-il, sont ceux où, en dépit de tout, la barrière suprême est un fil de soie. C'est le fil de soie de la légalité. Si l'on rompait le fil de soie de la légalité alors, inévitablement, on aurait recours au fil de l'épée. […] Le régime constitutionnel est celui qui respecte le fil de soie et celui qui refuse le fil de l'épée.

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Trois versions du "fil de l'épée" sont ici approchées : la révolution espagnole, la révolution nationale-socialiste et la révolution russe qui ont comme point commun "la prise du pouvoir armée par un groupe d'hommes minoritaires". Une fois passés en revue ces régimes que l'on trouve essentiellement au Portugal, en Espagne, en Italie et en Allemagne, il s'agit plus particulièrement de se pencher sur les différences et les similitudes entre le régime communiste et les régimes de type fasciste. Raymond Aron évoque ainsi dans les deux cas la présence du parti unique monopolistique, ainsi qu'"une combinaison d'idéologie et de terreur". Comme différences, il voit l'électorat qui n'est pas le même, l'attitude des classes dirigeantes envers ces mouvements diffèrent également ainsi que l'idéologie, c'est-à-dire les objectifs visés une fois acquis le pouvoir absolu. 

Différences et similitudes 

"Qu'est-ce-qui est le plus important ? Les similitudes ou les différences ? La réponse dépend des institutions existantes d'abord, et des institutions futures. En effet, le régime communiste ne veut pas être compris intégralement par ce qu'il est mais par ce qu'il sera. Le communisme se définit non pas par sa pratique actuelle, mais par l'idée qu'il se fait de lui-même et par les objectifs qu'il prétend atteindre. Ce qui signifie que notre manière d'approcher le problème du communisme, ce sera la comparaison permanente de l'idéologie et de la réalité. […] Dans le cas où l'on étudie un régime communiste, la réalité est difficilement visible et l'idéologie nous est projetée à la figure." 

  • Par Raymond Aron 
  • Radio Sorbonne - Théories sociologiques des démocraties, aspect politique des sociétés modernes par Raymond Aron 12/19 (1ère diffusion : 10/03/1958 Radio Sorbonne) 
  • Archive Ina-Radio France

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