En 1975, quinze ans après la disparition de Pierre Reverdy, Hubert Juin brosse un portrait du poète en compagnie de Gérard Massé, Stanislas Fumet, Etienne Hubert et Jean Rousselot. Avec des lectures de Michel Bouquet et Jean Bollery et la voix de Pierre Reverdy.
- Pierre Reverdy Poète
- Stanislas Fumet Homme de lettres français, essayiste (1996-1983)
- Etienne-Alain Hubert Co-président de la société des Amis de Paul Éluard
Le poète d'origine narbonnaise Pierre Reverdy détestait que l’on parle de lui. Ce numéro de "Relecture" d’Hubert Juin réussit à lier l’œuvre à la vie du poète, sans tomber dans l’écueil de la lecture biographique. Avec un choix de poèmes dits par Michel Bouquet et Jean Bollery.
Le monde de Pierre Reverdy est un monde singulier, parce qu’il évolue à la lisière de plusieurs univers : celui de la peinture, celui de la poésie, mais aussi celui de son enfance narbonnaise. A Paris, et ce dès son arrivée, il étonne et détonne : son fort accent narbonnais, son physique de boxeur et sa faculté à captiver un auditoire par ses diatribes qui semblent sortir tout droit d’un livre en font une figure centrale à la fois pour les peintres et les poètes. S’il se lie d’amitié avec Juan Gris, Braque, Picasso, ou encore Aragon, Breton et Tzara, Reverdy refuse toute affiliation, toute subordination à un mouvement donné. Si sa revue Nord Sud qu’il crée pendant la guerre réunit ses amis et des collaborations éclatantes telles que celle avec Apollinaire, Reverdy ne cherche jamais la lumière des projecteurs ni à occuper le devant de la scène.
Sa poétique, si elle n’est ni radicale ni révolutionnaire, est absolument unique : le rythme lent, le travail de la page et l’émergence de rares images lointaines, où deux réalités les plus écartées possibles se retrouvent pour créer un sens encore inédit, sont les marques d’une poésie qui ne s’appuie sur rien ni personne d’autre que Reverdy lui-même. Pierre Reverdy en donne ici sa conception :
On a souvent dit et répété que la poésie comme la beauté était en tout et qu’il suffisait de savoir l’y trouver. Eh bien non ! Ce n’est pas du tout mon avis. Tout au plus accorderai-je que la poésie n’étant nulle part, il s’agit de la mettre là où elle aura le plus de chances de pouvoir subsister. Mais aussi, une fois admise la nécessité pour l’homme de la mettre au monde afin de supporter mieux la réalité, qui telle qu’elle est ne se met pas toujours très complaisamment à notre portée. La poésie n’a pas besoin pour aller à son but de tel ou tel véhicule particulier. Il n’y a pas de mot plus poétique que d’autres. Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore, pas plus dans la tristesse que dans la joie. Elle est dans ce que deviennent les mots atteignant l’âme humaine quand ils ont transformé le coucher du soleil ou l’aurore, la tristesse ou la joie. Elle est dans la transmutation des choses opérée par la vertu des mots et les réactions qu’ils ont les uns sur les autres dans leurs arrangements, se répercutant dans l’esprit et sur la sensibilité.
Le poète Gérard Macé, qui découvre la poésie de Pierre Reverdy dans le recueil Sources du vent, évoque la quête de celui dont il admire la rigueur, "c’est presque la musique des choses que Reverdy essaie de rendre".
Il souligne l'importance de la peinture pour le poète qui "parlait de la peinture comme s’il était peintre (...) c’est là, dans le cubisme naissant, qu’il a trouvé la poésie à laquelle il ne pensait pas avant, il aurait voulu être boxeur (..) il était fort brutal, pas très cultivé mais d’une prodigieuse intelligence, il s’est fait tout seul".
Le poète Jean Rousselet décrit la personnalité singulière de Pierre Reverdy, chez qui, "jamais la poésie n’est séparée de la vie" :
Beaucoup de photos nous l’ont montré, les photos de Picasso, notamment dans "Sources du vent" il y avait un admirable portrait par Picasso. Mais nulle photographie et nul dessin, à mon sens, ne peuvent rendre le contact, l’image, l’idée que l’on peut se faire d’un homme lorsqu’on l’a presque touché… cet homme avait, ce qui me frappait surtout une fixité du regard, un noir et perçant un peu assimilable à celui de Picasso, il faut bien le dire, un œil de proie, des dents admirables, des dents de carnassier, une façon de rouler les "r" très narbonnaise, presque catalane qu’il n’a jamais quitté, dont il n’a jamais cherché à se défaire, et d’ailleurs pourquoi l’aurait-il-fait, fier comme il l’était de ses ascendants et de ses origines ?
- Par Hubert Juin
- Avec Gérard Massé, Stanislas Fumet, Etienne Hubert et Jean Rousselot. Lectures de Michel Bouquet et Jean Bollery et la voix de Pierre Reverdy.
- Relectures - Pierre Reverdy (1ère diffusion en 08/10/1975)
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