De quoi est faite l'écriture de Kerouac ? Comment recevoir, comprendre, des lignes, des mots, des kilomètres de signes écrits comme on meurt ou comme on joue le jazz ? Comment traduire le rythme, la fougue et la tension de ce qui se voulait être une transcription sans fard et à chaud de la réalité ?
C'est en 2014 qu'a été redécouverte la lettre qui a sans doute été à l'origine de l'écriture de Sur la route de Jack Kerouac. Une lettre de dix-huit pages, envoyée à Kerouac en 1950 par son ami Neal Cassady, qui dans le roman apparaît sous les traits de Dean Moriarty. "Le plus extraordinaire morceau d'écriture que j'aie jamais lu", disait de ces pages Jack Kerouac. Ce courrier de seize mille mots, dans lequel Cassady décrivait à Kerouac un voyage vers Denver jalonné de sexe, d'alcool et de drogues, était passé dans les mains de Ginsberg, avant d'échouer chez un petit producteur de musique, dont la fille hérita du précieux document. Ce document d'une valeur inestimable, qui aussitôt retrouvé fut vendu aux enchères, aurait, dit-on, établi les codes de la Beat Generation.
Mais au-delà des ventes aux enchères et de la légende de la Beat Generation, de quoi est faite l'écriture de Jack Kerouac ? Comment recevoir, comprendre, des lignes, des mots, des kilomètres de signes, écrits comme on meurt ou comme on joue le jazz ? Comment traduire le rythme, la fougue et la tension de ce qui se voulait être une transcription sans fard et à chaud de la réalité ? Autant de questions qu'abordait en 1988 le quatrième volet d'une série intitulée Sur la piste de Kerouac, dans lequel Gilles Farcet s'entretenait avec deux grands spécialistes de la Beat Generation et de l'œuvre de Kerouac, Yves Le Pellec et Bertrand Agostini.
Bertrand Agostini évoque une écriture obstinée, de très longues phrases de plusieurs pages, particulièrement dans Visions de Cody. Il raconte que Jack Kerouac était très souvent dans un état d’excitation extrême quand il écrivait, et dans un état de fatigue physique extraordinaire :
Il ne dormait plus, il utilisait tous les procédés possibles pour se maintenir éveillé, pour que son inspiration ne se tarisse pas. Et il écrivait dans une sorte de frénésie glorieuse.
Kerouac voulait qu'on le considère comme un poète de jazz qui joue des blues à une 'jam session' le dimanche après-midi :
Il se comparait à un joueur de jazz, il disait je veux être considéré comme un saxophoniste qui pousse son chorus dans un après-midi chaud d’été.
Il y a dans son écriture un caractère qui est éphémère. On a l'impression qu'il a consigné sur la page des choses qui ne faisaient que passer. Mais pour autant il ne corrigeait pas, il ne revenait pas en arrière, gardant le bon le mauvais, l’anecdote et le significatif. Il y a donc à la fois ce désir de saisir le réel, et en même temps dans son texte la crainte de le figer sous une forme qui serait trop définitive. Son texte apparaît toujours comme un "work in progress", un texte en gestation, en développement, en pleine métamorphose.
Les chemins de la connaissance - Sur la piste de Kerouac - Le flot spontané de l'écriture quatrième épisode d'une série de cinq, diffusé la première fois le 2 juin 1988 sur France Culture, avec la voix de Jack Kerouac lisant notamment un extrait de _Doctor Sax__._
Avec Yves Le Pellec (poète, essayiste, spécialiste de la Beat Generation) et Bertrand Agostini (universitaire, spécialiste de la Beat Generation) - Avec la voix de Jack Kerouac lisant un extrait de son roman "Doctor Sax" - Lectures Philippe Bories .
- Par Gilles Farcet
- Réalisation Marie-France Nussbaum
- Les chemins de la connaissance - Sur la piste de Kerouac : 4ème partie, Le flot spontané de l'écriture
- 1ère diffusion : 02/06/1988
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