1926 : Hitler, "Mein Kampf" : épisode 22/30 du podcast Comment les livres changent le monde

Le dirigeant nazi Adolf Hitler assis sur le bord d'un bureau dans sa résidence de Berghof, en Bavière,  pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le dirigeant nazi Adolf Hitler assis sur le bord d'un bureau dans sa résidence de Berghof, en Bavière,  pendant la Seconde Guerre mondiale. ©Getty - Paul Popper
Le dirigeant nazi Adolf Hitler assis sur le bord d'un bureau dans sa résidence de Berghof, en Bavière, pendant la Seconde Guerre mondiale. ©Getty - Paul Popper
Le dirigeant nazi Adolf Hitler assis sur le bord d'un bureau dans sa résidence de Berghof, en Bavière, pendant la Seconde Guerre mondiale. ©Getty - Paul Popper
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Quel est l’impact des livres écrits par des dictateurs ? "Mein Kampf" est un livre-programme, support idéologique du nazisme, dont la virulence antisémite annonce la Shoah.

Avec
  • Antoine Vitkine Journaliste, écrivain et réalisateur de documentaires
  • Nicolas Patin Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Bordeaux-Montaigne

Diffusé à plus de 12 millions d’exemplaires entre sa publication et la fin de la guerre rien qu’en Allemagne, ce livre du mal aura été un des ouvrages les plus vendus au 20e siècle. Il continue à être largement diffusé par de multiples canaux.

Un récit autobiographique et programmatique

Mein Kampf se présente à la fois comme une autobiographie d’Hitler, un mode d’emploi pour organiser un parti, ici le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) et un programme pour une Allemagne aryenne. Le livre est d’abord l’« histoire d’un looser qui va devenir le chef d’un grand parti » nous explique Nicolas Patin

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En détention à la prison de Landsberg, après l’échec d’une tentative de putsch à Munich en 1923, Adolf Hitler écrit son livre avec l’aide de ses compagnons de prison qui deviendront à ses côtés les dirigeants nazis comme Rudolph Hess. Le premier tome paraît en juillet 1925. Libéré, Hitler en rédige un deuxième tome publié en décembre 1926. Les deux tomes seront reliés dans des éditions qui seront adaptées en fonction des lecteurs potentiels.

Un livre mondialisé

Mein Kampf est un enjeu éditorial important. Hitler cherche à contrôler les publications et les traductions à l’internationale. Afin de ne pas effrayer les Français ou révélé au grand public ses intentions pourtant claires, Hitler se démènera pour empêcher les publications du Mein Kampf original en France. Mais deux traducteurs œuvreront à sa publication intégrale pour les éditions de Fernand Sorlot (germanophobe et antisémite) en 1934 allié paradoxalement avec la LICA (Ligue international contre l’antisémitisme) qui pense important d’alerter l’opinion sur la nature d’Hitler. Puis, le texte est traduit en anglais, version à partir de laquelle découleront les traductions arabe, turque, japonaise…

Le Temps du débat
40 min

A la mort d’Hitler, le ministère des Finances de Bavière, a qui ont été confiés les droits des écrits d’Hitler afin d’en contrôler la diffusion, interdit la réédition du livre. Pendant 70 ans, avant que les droits ne tombent dans le domaine public, cette interdiction a une relative efficacité. Le livre continue de circuler sous le manteau dans le monde entier, on le trouve sur des étals des marchés aux puces, puis sur internet. En 2005, les ventes en Turquie explosent, l’ouvrage se vend à 80 000 exemplaires. En 2008, Mein Kampf est adapté en manga au Japon et vendu à 100 000 exemplaires.

En 2016, afin de faire face à l’entrée du livre dans le domaine public, une édition critique est publiée en Allemagne, vendue à 100 000 exemplaires. En 2021, les éditions Fayard prennent la même initiative et publient Historiciser le mal, où une analyse critique et contextuelle accompagne le texte d’Hitler. Dirigée par Florent Brayard, cette initiative est accompagnée d’intenses débats autour de la nécessité et le bienfondé de republier ce livre. Pour Nicolas Patin, qui participe à cette édition, c’est un « choix politique » : préférer la version critique d’un texte qui, de fait, circule partout sur le web dans une version mal traduite et non annotée.

Bibliographie indiative

  • Florent Brayard et Andreas Wirsching, Historiciser le mal, une édition critique de Mein Kampf , Fayard, 2021
  • Antoine Vitkine, Mein Kampf , histoire d'un livre, Flammarion, 2009
  • Nicolas Patin, La catastrophe allemande : 1914-1945, Fayard, 2014

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