Livre : Pierre Jourde / Emmanuel Levinas, face-à-face / Moyen-Orient : le "moment Kurde" est-il passé ? / L’œil de Jérôme Rodrigues et la loi du Talion

Pierre Jourde
Pierre Jourde - photo : Jean-Baptiste Millot / Gallimard
Pierre Jourde - photo : Jean-Baptiste Millot / Gallimard
Pierre Jourde - photo : Jean-Baptiste Millot / Gallimard
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Pierre Jourde vous parle de son roman "Le voyage du canapé-lit", et Boris James des frictions des forces kurdes avec l'armée turque. Les chroniques s'intéressent à Emmanuel Levinas et à la symbolique de la blessure à l'œil de Jérôme Rodrigues.

Avec
  • Pierre Jourde Écrivain, critique et enseignant
  • Boris James Historien, chercheur spécialiste de l'Islam médiéval à l'IFPO (histoire médiévale du Proche-Orient), maître de conférence à l'université Montpellier 3 et ancien responsable de son antenne à Erbil (capitale de la région autonome irakienne du Kurdistan)

@PetitsMatinsFC

Le Réveil Culturel par Tewfik Hakem :

Tewfik Hakem s'entretient avec le romancier Pierre Jourde, à l'occasion de la parution de son roman, Le voyage du canapé-lit (éditions Gallimard) où le transport en camionnette d'un canapé-lit, de Paris jusqu'en Auvergne, un week-end de Pâques. Les protagonistes ? Deux frères, une belle-soeur, avec tout ce qu'ils vont se dire, des discussions littéraires aux digressions philosophiques, en passant par les souvenirs qui remontent à la surface, sans oublier ce qu'on ne manque pas de s'envoyer à la figure, qu'on le veuille ou non...

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Dans mon texte précédent, je disais "tu", je me parlais à moi-même. Mon père n'avait jamais eu la parole, n'avait jamais su parler, et moi-même j'avais cette difficulté, et se dire "tu", c'était s'inciter à sortir de cette sorte de repli qu'implique la difficulté de parole. Là, je ne suis qu'un convoyeur, le personnage principal est un canapé qui me fait déclencher des histoires qui me sont arrivées.

Grantanfi | 13-14
8 min
Les Bonnes feuilles
23 min

Le Journal des Idées par Jacques Munier :

Le philosophe Emmanuel Levinas, qui a fait du visage d’autrui le paradigme de la relation éthique, continue d’éclairer notre actualité.

Sa pensée « semble résonner aujourd’hui avec les grandes questions de notre temps, inégalités, précarité ou accueil des migrants », estime Sven Ortoli, rédacteur en chef de Philosophie magazine qui consacre un hors-série à Emmanuel Levinas. Judith Butler y témoigne de ce que lui doit sa propre réflexion sur la Vie précaire. Jean-Luc Marion insiste sur le renversement qu’il opère dans l’histoire de la philosophie, plutôt fondée sur la métaphysique et l’ontologie, en plaçant l’éthique au cœur de son œuvre. « Parce que l’éthique s’attache à décrire l’existant plus que l’existence, l’ouverture non pas à l’être en général mais à un étant très particulier : autrui, l’autre radical qui m’envisage. » Et qui ne peut pas être un objet pour moi car « il relève de l’obligation et du respect et ne se montre qu’en eux ». L’auteur notamment de Prolégomènes à la charité (Grasset) suggère un prolongement possible de l’éthique de Levinas dans une pensée de l’amour. « Le visage ne se révèle comme tel (et ne me révèle à moi-même) qu’en passant de l’éthique à l’érotique. » Frédéric Worms évoque également la dimension de l’amour, notamment maternel, que Levinas explore dans son grand livre Autrement qu’être ou au-delà de l’essence. L’amour maternel est pour lui « le modèle de l’éthique. Pour être capable d’accueillir la parole d’un autre visage, il faut qu’on se soit adressé à nous comme à un visage ; avant d’être un sujet qui doit respecter autrui, nous avons été un autrui pour d’autres sujets. ». 

Les éditions Payot & Rivages viennent de publier une conférence inédite d’Emmanuel Levinas sur l’Europe, où il est beaucoup question d’identité. Son titre : De l’unicité. Celle du genre humain dans son ensemble, irréductible à telle ou telle identité. Dans un chapitre intitulé « Sans identité » de son livre Humanisme de l’autre homme, il avait montré que l’intériorité revendiquée du moi identique à lui-même se dissout dans l’humanisme des belles âmes. Car « Tout l’humain est dehors », écrivait-il. Dans cette conférence, il estime que s’il doit y avoir une « identité européenne », c’est compte tenu des catastrophes du XXe siècle « l’angoisse d’une responsabilité qui incombe aux individus survivants à la mort violente des victimes ». Reste que c’est l’unicité de l’humain qui mobilise « non pas le neutre de quelque curiosité désaffectée, mais le pour-l’autre de la responsabilité ». 

Spécialiste reconnue d’Emmanuel Levinas, Catherine Chalier publie chez Bayard un beau livre intitulé Pureté, impureté, où elle met « à l’épreuve » ces notions qui animent encore les débats sur l’identité, ou inspirent le fanatisme des fondamentalistes. Depuis les sources bibliques et anthropologiques qui illustrent dans les rites la recherche anxieuse de la pureté « comme une façon de faire prévaloir les forces de la vie sur celles de la mort », jusqu’au discours nationaliste qui évoque, comme chez Barrès, la volonté de « raciner les individus dans la terre et dans les morts », l’impératif révèle son ambiguïté : la catharsis – qui signifie en grec la purification des passions – est à l’origine « d’innombrables et terrifiants désastres ». 

Répliques
52 min
Les Chemins de la philosophie
Répliques
51 min
Les Chemins de la philosophie
59 min

Les Enjeux Internationaux par Xavier Martinet :

Alors que les forces Kurdes des FDS s'inquiètent du futur retrait américain de Syrie, les frictions avec l'armée turque augmentent dans la région. Samedi au Kurdistan irakien des manifestants ont envahi une base turque après un bombardement. Les FDS veulent un "statut spécial" : sursis ou garantie ?

Xavier Martinet s'entretient avec Boris James, historien, récemment en poste à l'Ifpo à Erbil.

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L'Humeur du matin par Guillaume Erner :

La blessure à l’œil du Gilet Jaune Jérôme Rodrigues a une longue histoire…

Une longue histoire, ou plus exactement une longue symbolique… Cette blessure a été infligée samedi, place de la Bastille à Paris, conséquence d’une grenade de désencerclement ou d’un tir de Flash Ball, les versions divergent. Et, dès que cette nouvelle s’est diffusée, on a pu lire des appels à la vengeance sur les réseaux sociaux, des mentions du type « ils – ils étant l’état – ils veulent la guerre »… 

Et ainsi se réactive la loi du Talion, comme si l’on retrouvait, quatre millénaires après sa naissance, le retour du refoulé, la genèse de la justice dans le code d’Hammourabi, ce code sumérien qui a servi de matrice à la Bible. Une blessure à l’œil renvoie évidemment à la loi du Talion, laquelle est le premier embryon de justice, une loi présente trois fois dans l’Ancien Testament, par exemple dans le Deutéronome, « Ton œil sera sans pitié : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. ». 

Il y a deux manières d’interpréter cette règle : ou bien l’on considère qu’il s’agit de la première tentative de restreindre la bestialité de l’homme par la loi, « œil pour œil », mais pas plus ; ou bien l’on considère qu’il s’agit d’une loi inhumaine, qui croit possible d’infliger la violence pour réparer la violence… 

Et c’est ainsi que l’interprétation de ce verset biblique a été laissée à l’appréciation d’un tribunal rabbinique dans l’antiquité, partant du postulat, qu’un œil n’avait pas nécessairement la même valeur pour un être et pour un autre, forgeant en somme la notion de préjudice qui est à l’origine du droit moderne. Et même s’il n’est plus question de loi du talion, « œil pour œil », est devenu le symbole de la non-justice, autrement dit de la vengeance perpétuelle. 

C’est en cela que la justice moderne innove, comme l’a souligné le philosophe René Girard. S’il n’est plus question d’œil pour œil, c’est parce que la justice s’oppose à la vengeance, et la vengeance, ce n’est pas seulement la réponse à une agression, c’est aussi le cycle infini de la violence et de la réponse à la violence. 3700 ans après le code d’Hammourabi, on en est toujours là…

@PetitsMatinsFC

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