Marcher sous la lumière d'une nouvelle aube: "homme et enfant" de Dimitar Dilkoff

France Culture
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Où il sera question d'un chemin nocturne, d'une route hivernale, d'une nuit claire, et d'une lumière mystérieuse. Mais aussi d'une plongée dans le grand Nord, de l'avenir de la politique, d'Inde et d'Asie Centrale, de "cyber-fragilité" et de voiture de droite ou de gauche.

C’est une nuit qui ne ressemble à aucune autre. Le ciel prend une autre allure. Il s’éclaircit de lui même. L’obscurité n’a pas sa place ici. La lumière suit un chemin tracé, une route droite, et encore longue. La légende est succincte et laisse tout imaginer. Un homme et son fils. C’est l’hiver les arbres sont vides, et de la neige borde cette route nocturne. On ne peut pas être paré pour une si longue route. On ne peut pas trouver à se protéger de ce froid là. De cette épreuve du voyage. Deux silhouettes avancent. Un homme et son fils. On ne verra pas leur visage. L’homme, un grand sac lourd à son dos, pose une main sur le col de son fils, emmitouflé dans un anorak vert. Ils sont éclairés par derrière. Ils ne sont pas seuls. Peut-être y a-t-il hors champs d’autres compagnons de route, une lanterne, un réverbère improbable comme un phare inutile dans ce no man’s land. Peut-être la lune est-elle, comme pour notre nuit à nous, présente, et basse. En tous cas, la lumière les accompagne. Derrière il y a ce ciel bleu monochrome. Un bleu irréel, tout comme la nuit que cet homme et son fils sont en train de traverser. Eveillés, en mouvement, avec ce maigre bagage ils partent, tous les deux. Aucune expression visible sur leur visage noyé dans la nuit. Juste deux corps qui marchent et qui ne semblent pas vouloir se retourner. C’est une photo de Dimitar Dilkoff de l’AFP, et on peut la voir au musée des Beaux-Arts de Bruxelles, jusqu’ au 11 juin prochain. Rendre l’invisible visible. Là où des photojournalistes suivent et montrent à quoi peut ressembler un périple dont on ne connaît rien d’un éventuel retour possible. "Une exposition sur la crise migratoire européenne" nous dit on. Avec ces images de gilets de sauvetage comme un cimetière, sur des côtes grecques, avec ces visages qui se demandent si on est bientôt arrivé. Si ce cauchemar, ce chemin d’hiver est bientôt fini. S’il ne fait au contraire que commencer. Faire voir ces visages et des rares moments de joie, des regards déçus, heurtés, des regards qui questionnent le monde qu’ils ont sillonnés. Ici, l’homme et son fils, de Dimitar Dilkoff, restent invisibles. Indifférenciés même. Leur silhouette se mêle l’une à l’autre. Ce ne sont pas leur visage que le photographe rend visible. C’est la nuit bleue qui les enveloppe. C’est cette route enneigée sans début ni fin. C’est l’hiver qu’ils traversent. Dans un lieu qu’on ne peut pas situer pour eux. La force qu’il faut avoir pour quitter la nuit son abri et avancer vers l’inconnu. Vers la mer, vers d’autres frontières que la neige. Vers une nouvelle aube, quitter ce bleu de nuit pour une nouvelle lumière.

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