Où il sera question d'une vie à reconstruire, d'un retour chez soi, d'une question à manger, de Franck Zappa, de la conscience de classe chez les enfants, de l'utilité du G7, de super héros du réel et de hand-spinner.
On se demande comment on fait pour ne pas faire partie des ruines. Pour être là. Devant son toit qui ne l’est plus. C’est une somme de questions, qui nous concerne, et concerne tout ce qui se passe autour de nous. Tout ce que jusque là nous avons foulé. Ces chemins obstrués de ruines. Ce sont des lieux qui n’existent plus, et dans lesquels il faut pourtant revenir. S’inscrire à nouveau. S’assurer qu’on n’a rien laissé. C’est ce que semblent faire les habitants de Cizre, dans le Sud-Est de la Turquie. Cette ville détruite par une répression militaire qui sévit depuis presque deux ans. Le photographe Jan Schmidt-Whitley a suivi le retour dans la ville. Après la bataille, la ruine naissante. Constater l’étendue de ce qui ne sera plus. Il y a ce groupe de personnes, au visage marqué. Le corps fatigué qui s’affaisse parterre. Ils sont assis là au milieu de la destruction. Des corps immobiles, qui s’accordent une pause, un souffle. Pour regarder autour de soi. Le vide. Ils se tiennent, souvent devant leur maison. Un toit qui n’existe plus. Il y a d’autres habitants, plus jeunes, au visage concentré. En pleine recherche. En plein mouvement, comme des allées et venues nerveuses. On recherche ce qui peut être sauvé, ce qui peut nous aider à être. C’est une silhouette de jeune fille dans sa maison. Silhouette floue, presque fantomatique, dans un mouvement de passage furtif d’une pièce à l’autre. C’est un jeune garçon au premier plan d’une autre photo, dehors, écrasé par un épais matelas qu’il supporte sur sa tête. Récupérer des vestiges d’un confort passé. Ce doit être la première étape vers la reconstruction. Ce sont des photos de la série " Retour à Cizre", de Jan Schmidt Whitley donc, que l’on peut voir en ce moment, à l’Escale à la Grange aux Belles, à Paris. Où peut-on bien mettre ces quelques trésors là, dans un tel paysage de pierres et de poussière. Où seul le sol peut recueillir les corps fatigués ? Tant qu’il y a des chemins, dégagés, des vues qui s’étendent, alors il y a peut-être un avenir possible. Il y a aussi cette volonté mise à l’œuvre de recréer n’importe où un espace de vie. Où on peut faire comme si, une couverture posée sur le sol d’une maison sans mur, et les ruines là aussi d’un repas entre une mère et ses deux enfants. On fait comme si, même si sur les visages, il n’y a aucune évidence. Aucun échange. C’est le premier moment du retour. On n’y croit pas encore tout à fait. Mais au milieu de ce rien, la vie redevient possible. Une circulation qui se fait, des rassemblements, des rencontres, des pas faits ensemble dans une ville qui ne peut que renaître.
(Tapis musical: Anouar Brahem - Kernow (Thimar) )
L'équipe
- Production
- Réalisation