Les confessions amoureuses de Jean-Jacques Rousseau

Devant la vanité de la gloire, le philosophe Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) aura toujours placé l'amour de soi.
Devant la vanité de la gloire, le philosophe Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) aura toujours placé l'amour de soi. ©Getty - Stefano Bianchetti/Corbis
Devant la vanité de la gloire, le philosophe Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) aura toujours placé l'amour de soi. ©Getty - Stefano Bianchetti/Corbis
Devant la vanité de la gloire, le philosophe Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) aura toujours placé l'amour de soi. ©Getty - Stefano Bianchetti/Corbis
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Qu'est-ce qui peut pousser un philosophe à écrire ses confessions ? Devant la vanité de la gloire, Rousseau aura toujours placé l'amour de soi. Percer le mystère de ce philosophe qui n'a pas su être sage revient donc à trouver la destination véritable de son amour.

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Dès le premier jour, la familiarité la plus douce s'établit entre nous au même degré où elle a continué tout le reste de sa vie. « Petit » fut mon nom ; « Maman » fut le sien ; et toujours nous demeurâmes « Petit » et « Maman », même quand le nombre des années en eut presque effacé la différence entre nous. Je trouve que ces deux noms rendent à merveille l'idée de notre ton, la simplicité de nos manières, et surtout la relation de nos cœurs. Elle fut pour moi la plus tendre des mères, qui jamais ne chercha son plaisir, mais toujours mon bien ; et si les sens entrèrent dans mon attachement pour elle, ce n'était pas pour en changer la nature, mais pour le rendre seulement plus exquis, pour m'enivrer du charme d'avoir une maman jeune et jolie qu'il m'était délicieux de caresser : je dis caresser au pied de la lettre, car jamais elle n'imagina de m'épargner les baisers ni les plus tendres caresses maternelles, et jamais il n'entra dans mon cœur d'en abuser. On dira que nous avons pourtant eu à la fin des relations d'une autre espèce ; j'en conviens, mais il faut attendre, je ne puis tout dire à la fois.      
Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, Livre III.

A qui Jean-Jacques Rousseau adressait-il ses confessions ? A ses contemporains ? On sait que le philosophe aura toujours préféré se réfugier dans sa superbe solitude. A Dieu, afin de lui exprimer toute la vérité de son être ? Dans ce cas, il n'aurait sans doute pas écrit ni encore moins publié ce texte. Sous l'effet d'un pur amour-propre alors ?

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Pour répondre à ces questions, Raphaël Enthoven s'entretient avec Raymond Trousson, auteur de Jean-Jacques Rousseau  (Tallandier 1988) et d'un Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau (Honoré Champion 1996). 

Raymond Trousson : Rousseau va toute sa vie dissocier la sexualité, le plaisir et le sentiment amoureux. Le seul fait de désirer lui suffit souvent, ce n’est pas un homme de la possession. C’est un homme du sentiment, de l’appétence pour l’infini, ce n’est pas un séducteur. Rien n’est plus éloigné de lui qu’un Casanova. Rousseau se bâtit un pays des chimères, un pays idéal où il s’entoure de créatures qui sont celles de ses rêves et non de la réalité. Il écrit d’ailleurs "Hormis Dieu, il n’y a de beau que ce qui n’est pas." Pour lui, c’est dans l’invention, dans le désir qui se créé en l’homme que se situe le véritable bonheur. Ce bonheur qu'il reconnaît avoir connu à quelques reprises, dans son amour pour Madame de Warens ou dans sa passion pour Madame d’Houdetot en 1756. Ses Confessions, il les écrit d'ailleurs pour se rappeler ces moments. Et il y réussit, contrairement à Stendhal qui, dans ses écrits autobiographiques, les "saute". L’extraordinaire réussite de Rousseau, c’est de parvenir à dire le bonheur sans le perdre, et de le revivre en le disant.

  • Textes lus par Georges Claisse

Cette émission, enregistrée sur la scène de L'Odéon-Théâtre de l'Europe dans le cadre d'un cycle de cinq rencontres consacrées à la correspondance des philosophes amoureux, a été diffusée pour la première fois le 25 août 2012.