Au cœur de notre série sur le commissariat de Roubaix, nous faisons aujourd'hui un pas de côté pour rencontrer les jeunes de l'association Anti_Fashion Project. Noela, Thierno et Salma, tous trois issus de quartiers populaires, sont passionnés de mode et rêvent de prendre leur indépendance.
"La mode comme vecteur d'insertion"
Anti_Fashion Project est un projet impulsé en 2015 par Lidewij Edelkoort, consultante en design, et Sébastien Kopp, co-fondateur de la marque Veja. Son objectif, selon le site de l'association, est de créer un “point de rencontre ouvert à tous ceux qui sont en train de réinventer le système pour le rendre responsable, positif, bienveillant.” L'antenne Anti_Fashion de Roubaix a été fondée par Stéphanie Calvino en 2017, en partenariat avec des marques, des écoles et des institutions publiques. Dix jeunes Roubaisiens issus de quartiers défavorisés ont eu l’occasion de développer un projet éco-responsable d’upcycling de t-shirts, et se sont vus proposer des emplois dans le secteur de la mode.
“On se sert de la mode comme un vecteur d'insertion. On essaie d'être là pour faire le lien avec des entreprises, leur permettre de trouver un emploi s'il y a le besoin, ou alors de retourner sur le chemin de l'école.” Stéphanie Calvino
Thierno Abdoulaye Diallo, 28 ans, a toujours vécu à Hem dans le quartier Schweitzer. Il vient de décrocher un CDI à Paris, dans la boutique Veja, une entreprise de baskets éco-responsables. Il avait rencontré l’équipe de Veja lors de tables rondes organisées par Anti_Fashion.
“Je suis content. Vraiment, vraiment content. C'est ma nouvelle vie là qui commence. Mes parents, ils vont jamais me dire de partir, parce qu'on est très famille. Pour moi, c'est ça le quartier aussi, c’est la zone de confort, la famille. J'ai toutes mes habitudes ici. Mais là-bas, à Paris, c'est les opportunités.” Thierno
Seulement, Thierno n’a pas les moyens de se loger à Paris. Les membres d’Anti_Fashion l’aident à se renseigner sur les aides financières qu’il pourrait toucher pour commencer à travailler chez Veja.
La prise d'indépendance, une étape difficile
Dans un autre entretien, cette fois-ci avec Noela, une Roubaisienne de 22 ans, Stéphanie et Benali Bahri donnent des conseils à la jeune fille, qui se retrouve hébergée chez une amie à cause de conflits familiaux.
“Ma sœur m'a arraché les cheveux, a pris mon téléphone, et l'a jeté par la fenêtre. Ma mère m'a dit : "Va chez Océane, le temps qu'elle se calme, juste un jour." Du coup, là je suis chez Océane. C'est pas la première fois qu'il se passe des trucs comme ça à la maison, et du coup, je me suis dit que je n’allais pas rentrer.” Noela
Mais ce n’est pas si simple pour Noela de prendre son indépendance. Ses parents se reposent sur elle pour de nombreuses tâches. Noela leur apporte des paniers du Crous, les conduit en voiture, s’occupe de son jeune frère... C’est pour cela qu’elle demande à Stéphanie Calvino de l’aider à parler à ses parents.
“Nous, on n'est pas travailleurs sociaux, on n'est rattaché à aucune structure. On est juste là pour essayer de trouver des solutions.” Stéphanie Calvino
La prise d’indépendance est toujours un sujet délicat : trouver un logement, obtenir des aides, trouver un travail, convaincre ses parents… Salma, elle, rêve de faire une colocation avec sa meilleure amie. Elle est en licence de langues étrangères et économise pour partir à l’étranger. Elle sait qu’elle est prête à voler de ses propres ailes.
“Je travaille depuis seize ans, j'ai fait un service civique. Dans ma famille, il a toujours fallu qu'on gagne notre argent, qu'on ait notre permis, qu'on soit autonomes. Demain, si j'habite toute seule, je saurai comment gérer beaucoup de choses.” Salma
Malgré tout, Salma n’a pas encore osé demander à ses parents si elle pouvait partir de la maison.
“C’est compliqué, en tant que fille dans une famille maghrébine, on a une place particulière. Vu que ma mère, aide soignante en réa, travaille énormément, c'est vraiment lourd pour elle et j'ai envie de la soulager. Et mon père est très protecteur…” Salma
C’est une question de communication : Salma aurait besoin de médiateurs pour l’aider à aborder le sujet avec ses parents.
“Ça fait depuis trois ans que je leur dis que mon Erasmus, je veux le faire, et je vais le faire. Mon père, il me disait : "Oui, tu vois, il faut que tu commences à mettre de côté." Et j'étais super contente qu'il me prenne vraiment au sérieux. Et du coup, je me dis : en soit, si ça, c'est faisable de partir un an, en quoi ce serait dérangeant que je prenne mon indépendance, et que je prenne un appartement ?” Salma
Merci à Stéphanie Calvino, Benali Bahri et à tous les jeunes qui ont accepté de nous répondre. Merci également à Joel Soglo (Casa Vintage), Chandy Bakadi, Mohamed Boudjella, Olympe Pollet, Paul Xoumphol-phakdy, Alassane Diarra et Lunzi Agbogan.
Retrouvez Anti_Fashion Project sur leurs réseaux : Instagram, Facebook et Twitter.
- Reportage : Alain Lewkowicz
- Réalisation : Emily Vallat et Anne Depelchin
- Mixage : Bastien Varigault
Chanson de fin : "Ne m'en veux pas" de La Rue Kétanou
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