Adama Traoré est mort le 19 juillet 2016, le jour de ses 24 ans, à la gendarmerie de Persan après avoir été interpellé à Beaumont sur Oise (Val d'Oise). En 2017, sa sœur Assa Traoré témoignait dans Les Pieds sur terre.
Assa Traoré revient sur sa plus grand fierté et ce qui constitue une des forces essentielles de son combat : l'union de sa famille et ses valeurs.
Je suis fière de tout cet amour que mon père a laissé entre nous. Avant de partir, il nous a demandé de protéger nos petits frères, et aux petits de protéger les grands.
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Son père a eu successivement plusieurs femmes dans sa vie, Assa a donc seize frères et sœurs, dont chacun, dit-elle, occupe une place particulière dans la famille.
Quand nous étions plus jeunes, mon père avait déjà divorcé de Françoise, mais nous allions en vacances chez elle. Et les enfants de la première femme de mon père, Elisabeth, qu'elle avait eu avec un autre homme, venaient en vacances chez mon père.
Dans cette grande famille soudée, les enfants sont moitié blancs et catholiques, d'autres maliens et musulmans.
On n'a pas la même couleur, ou la même religion mais on a tous mangé les mêmes frites à la cantine, joué dans le même bac à sable, lu les mêmes livres, regardé les mêmes émissions.
Assa Traoré revient sur ce 19 juillet 2016. Le jour de ses vingt-quatre ans, son frère Adama est interpellé par la police.
Les policiers l'interpellent, et le frappent. Comme ils sont en civils, une personne intervient et s’interpose. Adama part se réfugier dans l’appartement d'une connaissance à lui. Les gendarmes entrent dans l'appartement : "Je n'arrive plus à respirer" ; ce sont les gendarmes eux-mêmes qui m'ont rapporté ses dernières paroles. Mon petit frère a pris le poids de trois corps sur lui.
"Vers 21 heures, les pompiers disent à ma mère de se rendre à la gendarmerie. Les gendarmes ne la laissent pas entrer mais lui assurent que son fils va bien". Adama est en réalité déjà mort à ce moment-là ; 19h05, étant l'heure officielle du décès.
Aux alentours de vingt-trois heures quinze, Yacouba et ma mère retournent à la gendarmerie, Yacouba bloque la porte et dit qu'il veut voir son frère. Un gradé les fait entrer et les asseoit séparément. Il leur annonce qu'Adama est mort.
Depuis ce jour, Assa et toute sa famille se battent pour connaître la vérité sur ce qui s'est passé.
On se rend compte au fil de l'enquête qu'il manque des rapports, comme celui des pompiers, qui réapparaît sur insistance de notre avocat. Les pompiers ont trouvé mon frère en position PLS, menotté. À deux reprises les pompiers demanderont aux gendarmes de lui enlever les menottes.
Dès la première autopsie, le procureur Yves Jannier dira qu'il est mort de cause cardiaque et d'une infection.
Puis de manière très courtoise, ils nous diront : "Comme vos êtes musulmans, vous devez enterrer le corps sous trois jours, alors nous nous sommes permis de contacter Air France pour qu'ils le rapatrient rapidement, vous pouvez reprendre le corps.
Mais nous avions demandé une deuxième autopsie, indépendante. Et à partir du moment où le corps est repris, il est souillé et aucune autopsie n'est plus permise. Alors douloureusement, on a repoussé le corps d'Adama pour montrer à la justice que nous n'étions pas dupes.
Adama était une personne très positive. Les gens l'appelaient "le maire de la ville", car il arrivait toujours à trouver les bons mots pour régler des conflits. Les gens l'aimaient énormément et ils se sont mobilisés naturellement quand ils ont appris sa mort.
Chanson de fin : "Broken" par Tracy Chapman - Album : "Let it rain" (2002) - Label : Elektra records
- Reportage : Leila Djitli
- Réalisation : Emmanuel Geoffroy
1ère diffusion : le 9 juin 2017
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