Recluses dans leurs chambres, deux adolescentes, Emma et Clara, racontent comment elles s'envolent dans des mondes parallèles, par le biais d'une pratique proche de l'auto-hypnose : le shifting. De TikTok à Poudlard, l'imaginaire fait voyager.
Mais que font les ados enfermés dans leurs chambres ? Sont-ils encore et toujours scotchés sur leurs écrans à jouer à des jeux vidéos ou à flâner sur les réseaux ? Pas pour tous, non, quelques-uns s'adonnent à une pratique toute particulière : le shifting. Qu'est-ce donc ? Shifter, c'est changer de réalité. Les ados, pour échapper à la monotonie du quotidien ou à l'ennui du confinement, se transportent par la pensée, dans un monde, dans une vie, dans la peau d'un personnage qui leur plaît. Sur TikTok, ils sont nombreux à expliquer leurs techniques, qui relèvent souvent de l'auto-hypnose. Jeanne Mayer est allée à la rencontre de ces explorateurs - souvent des exploratrices - de la psyché et du rêve éveillé.
Une réalité virtuelle ... sans technologie
Le shifting, pratique proche de l’expérience du rêve lucide, consiste en une plongée dans un monde virtuel, non plus à l’aide d’outils technologiques, mais par des méthodes méditatives et relaxantes, "juste par la pensée". Parmi ces méthodes, il y en a une, appelée "méthode du corbeau", qui consiste à "être allongé sur le dos en étoile de mer" et à "compter" en "récitant des affirmations" :
La clé pour cette méthode, c'est de vraiment rester immobile le plus possible, parce qu'en fait, il faut faire en sorte que votre corps s'endorme complètement, mais que votre conscience reste éveillée le temps que vous comptez. Emma
Pour s'aider dans leur immersion virtuelle et psychique, les shifteuses préparent à l'avance un scénario, un "script".
Si on veut shifter dans Star Wars, il va falloir faire un script ou une esthétique : par exemple, on est la fille de Dark Vador, on a des pouvoirs super puissants, etc. etc. Et ça, ça va permettre de décrire et de choisir tout ce qu'on veut dans notre réalité désirée. Emma
Malgré tout, shifter, ce n'est pas si facile, et les privilégiés qui ont réussi et qui le proclament fièrement dans leur bio (la description du compte TikTok) ne semblent pas si nombreux. Et puis surtout, ceux qui y parviennent ne le savent pas toujours ...
Ma mère m'a raconté qu'elle avait déjà shifté pendant son enfance. À l'époque, elle savait pas ce que c'était. Quand elle voulait, elle vivait la vie d'une femme d'affaires, elle en avait vraiment toutes les sensations : elle voyait les gens, elle avait vraiment l'impression que le temps s'écoulait. Des fois, elle le faisait même la journée quand elle s'ennuyait. Emma
Sur le balai de l'imagination
Clara est une Potterhead, elle est fan de l'univers de Harry Potter. C'est donc à Poudlard, l'école de sorcellerie de Harry, qu'elle se rend lors de ses séances de shifting. Elle raconte sa rencontre avec Drago, Harry, et les matchs de Quidditch ...
Je crois que c'est dans mon deuxième shift. J'ai fait mon premier vol et la sensation était géniale : être en l'air, sur un balai volant, aller très vite ... C'était vraiment génial. Comme la première fois que j'ai gagné un match de Quidditch ! J'étais tellement heureuse d'avoir attrapé le Vif d'Or. Clara
En vivant quelques mois à Poudlard l'espace d'une soirée, Clara réussit à avoir des conversations enrichissantes qui lui permettent de mieux appréhender la current reality ou réalité de base, dans le langage des shifters.
Le personnage qui m'a le plus aidée, c'est Harry, parce qu'on se complète, on est à peu près pareils. Je ressens les mêmes choses que lui au même moment, et du coup, il m'a vraiment aidée à remonter la pente. Il disait des choses très fortes, du genre : "Il faut vivre, il faut profiter de la vie, il faut être heureux." et ça m'a réellement aidée. Clara
Merci à Emma, Lalie, la Shifting House, Clara et la youtubeuse Ludivine Hart.
Reportage : Jeanne Mayer
Réalisation : Yaël Mandelbaum
Musique de fin : "Red Room" de Hiatus Kaiyote
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