Avoir 20 ans en 21 : trouver du sens

Avoir 20 ans en 2021.
Avoir 20 ans en 2021. ©Getty -  VasjaKoman
Avoir 20 ans en 2021. ©Getty - VasjaKoman
Avoir 20 ans en 2021. ©Getty - VasjaKoman
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Elles ont 20 ans et quelques, de bons diplômes, vivent dans la Sarthe et en Corrèze, et ont tout plaqué après des premières expériences professionnelles qu'elles ont trouvées dépourvues de sens pour se tourner vers une vie à la campagne.

« La vie est une grande désillusion », disait Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray. Une désillusion qui peut s’avérer toutefois révélatrice pour de jeunes adultes en quête de sens, et qui plus est dans une période trouble.

C’est le cas de Hélène, aujourd'hui âgée de 25 ans. Très bonne élève sans idée claire sur son avenir, elle a fait le choix d’un « cocon sécurisant » : une école de commerce.

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C’était le choix de la sécurité. On m’avait dit que les études étaient très sympa, qu’on faisait la fête, que j’allais rencontrer plein de monde, et surtout que j'avais de très bonnes chances de trouver du boulot après une école de commerce.

Ses études lui permettent de canaliser son inquiétude, en sus de contenter les espoirs de réussite sociale nourris par ses parents. Travailleuse et investie, Hélène admire les femmes ambitieuses, les femmes puissantes et les bâtisseuses d’empire.

J’avais envie de me sentir importante, d’avoir un impact sur la société dans laquelle j'allais évoluer, d'avoir du pouvoir et des perspectives d'évolution.

Hélène effectue son stage de fin d'étude dans une multinationale de grande distribution américaine. L’intérêt va vite se transformer en passion destructrice. À l’issue de cette expérience, elle a reçu sa « reco » : elle est embauchée par son manager. Elle devient alors commerciale en CDI, sa mission est de vendre des produits de marques à des magasins. 

Je faisais en sorte que mes produits prennent le plus de place dans les rayons. J'avais même mon petit mètre, tout le temps à la main, et je passais mon temps à mesurer le nombre de centimètres que mes produits prenaient par rapport aux concurrents.  

Le salaire n’est pas ce qui la motive, mais elle est stimulée par cet environnement, par les avantages en nature, le pouvoir d'achat. En effet, l’argent coule à flots alors qu'elle n'a que 22 ans. Et la jeune femme devient accro à son entreprise :

J’en étais à un point où je cultivais de la haine pour les autres concurrents. Moi, ma lessive, je la défendais corps et âme. Je rêvais de mes produits, de mes marques.

Peu à peu, la passion s'estompe et se transforme en dégoût. 

Je me rendais compte que les objectifs de ma hiérarchie étaient de faire croire aux consommateurs que ces produits inutiles étaient indispensables dans leur quotidien. 

Hélène prend conscience de la manipulation qu’exerce son entreprise, et du formatage intellectuel qu’elle subit :

Avant de manipuler les consommateurs, ils manipulent leurs propres employés. Je ne voulais pas participer à ce monde-là.

Hélène démissionne. Sensibilisée à la surconsommation, elle change alors de voie et de camp. Une nouvelle porte s’ouvre pour elle : celle de l’engagement.

C’est beaucoup plus difficile de partir à la montagne et d’élever des chèvres que de travailler au sein d’un grand groupe. C’est sûr et certain.

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Manon, elle, est une jeune femme de 29 ans qui vit actuellement en Corrèze. Ancienne préparationnaire, elle se rêvait en CSP+, d’une gauche littéraire et aisée.

Je me projetais en apprentie bobo parisienne.

Manon fait la fierté de ses grands-parents : elle est une déracinée qui a réussi. Si la prépa lui apporte beaucoup, c'est aussi le lieu d’une lassitude et d’une coupure vis-à-vis du monde.

J’avais envie de vivre des choses. Mais en prépa, c’était des soirées où l'on chantait du Brassens en buvant du vin rouge, en déclamant du Baudelaire. Si j'étais née il y 50 ans ou 100 ans, ç’aurait été les mêmes soirées...

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En voyant l'essor de l'entrepreneuriat, un univers qui semble jeune et dynamique, Manon s'intéresse aux start-up et se lance dans une école de commerce. 

En école de commerce, on réfléchit toujours à la rentabilité, on ne s'imagine pas bosser dans le social, quoi. 

Pendant ses études, Manon acquiert une confiance en elle, et nourrit des projets. Elle décroche un stage de fin d'étude et son premier travail dans une jeune entreprise : la start-up nation à l’américaine la séduit.

Il y avait quelque chose de la Silicon Valley dans cette boîte : c'était le cliché de la start-up mais j'avais envie de me plonger là-dedans.

Tout cela ne l’empêche pas de voyager et de devenir animatrice à son retour en France. Elle qui souhaite alors se lancer dans l’économie sociale et solidaire est grandement déçue : elle se retrouve en perte de sens. 

La philosophie c'était : "on va faire évoluer les choses, mais surtout pas trop vite et sans remettre en question le coeur du business". 

Alors qu’elle trouve refuge chez ses grands-parents lors du premier confinement, la logique malhonnête de son entreprise la dégoûte et la pousse à démissionner pour reprendre ses études, et finalement trouver sa voie.

Ça ne me dérange pas du tout de gagner moins d’argent maintenant. Je suis très contente d’être la où je suis aujourd’hui : je ne regrette rien du trajet.

Reportage : Sophie Simonot

Réalisation : Anne-Laure Chanel

Mixé par Nicolas Depagraf

Merci à Hélène et Manon, à Léa et Paul, merci au collectif "Pour un réveil écologique" (Solène, Corentin, Vinciane et Antoine) ainsi qu'à Romain du collectif "La bascule".

Musique de fin : "When I'm gone" de Lulu and the Lampshades. 

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