Célèbre artiste de cabaret chez Madame Arthur puis au Carrousel, Marie-Pierre Pruvot, dite Bambi, s’est lancée à l’âge de trente-trois ans dans une toute autre carrière. Celle qu'on a appelée Jean-Pierre, Bambi, Marie-Pierre, et enfin Madame Pruvot, revient sur son parcours hors du commun.
De Jean-Pierre à Bambi
Bambi naît à Isser, en Algérie, sous le nom de Jean-Pierre, un prénom qu'elle déteste depuis toujours, un prénom qui ne lui correspond pas, ce dont elle se rend compte très rapidement : "Je ne me souviens pas quand est née la conscience d’être une petite fille, mais je ne me souviens pas d’autre chose." L'enfant veut porter les robes de sa sœur, coudre et tricoter avec les femmes de sa famille, et avoir une toute autre apparence : "Les garçons à l’école étaient très gentils avec moi, mais je n’étais pas comme eux." Si Jean-Pierre est préservé des moqueries à l’école, quelques adultes lui font des remarques, sans aller jusqu’à le brutaliser. Mais l'enfant fait mine de ne rien entendre. Cette capacité à prendre son mal en patience, "c’était sa force". Car Bambi sait qu’un jour, elle s’en ira vivre sa vie librement.
"Je savais d'instinct que ce que je ressentais n'était pas normal, n'était pas admis et qu'il fallait absolument que je m'enferme dans ma coquille C'était le silence absolu. J'aimais la solitude. Je suis encore aujourd'hui très renfermée : je lis, j'écris, j'ai besoin d'être seule." Bambi
C’est à dix-huit ans, après une longue attente, que Bambi s’émancipe enfin. Elle fait ses premiers pas à Paris, au cabaret de Madame Arthur à Montmartre. "Je chantais deux chansons : une à onze heures et une à cinq heures du matin !" Elle apprend à se maquiller, à chanter et à danser. Un an plus tard, elle passe au Carrousel, un établissement d’une réputation plus grande encore, et adopte son nom de scène définitif : dorénavant, elle sera Bambi.
De Bambi à Marie-Pierre
Pendant ses années de cabaret, Bambi commence à prendre des oestrogènes, et finit par subir une opération chirurgicale. Elle fait partie des premières personnes en France à effectuer ce que l’on appelle aujourd’hui une "transition", c’est-à-dire à faire les démarches pour être reconnue de genre féminin, autant à travers son apparence physique que sur ses papiers d’identité. Pionnière trans, Bambi doit faire face aux incertitudes qui la travaillent, et aux remarques de ses collègues du cabaret qui certes se travestissent le soir mais "vivent en hommes" le reste du temps.
"L'un ou l'autre de nos camarades criait : "Les hormonées, elles crèveront dans d'atroces souffrances !" Pour nous faire peur du cancer. On disait que ça donnait le cancer de faire des hormones. Donc c'était difficile, mais enfin, c'était la liberté. Alors, avec ma petite camarade Capucine, on était heureuses !" Bambi
En parlant de liberté, l’année 1968 marque un tournant dans la vie de Bambi. Elle réussit à changer son état-civil pour Marie-Pierre et s’inscrit à l’école par correspondance pour obtenir son bac. A l’âge de trente-trois ans, Bambi se reconvertit, tout en continuant son travail de nuit : elle s’inscrit en licence de lettres à la Sorbonne. Quelques années plus tard, elle rejoint l’Education Nationale, et devient professeure de français.
Madame Pruvot, professeure
D’abord à Cherbourg, puis à Garges-lès-Gonesse, Bambi est une professeure sévère, mais respectée et aimée par ses élèves. Parmi eux, il y a Lila. Elle se souvient de ses années au collège Pablo Picasso, racontant comment Bambi, ou plutôt Madame Pruvot, lui est venue en aide avec bienveillance pour résoudre une situation difficile.
"Madame Pruvot, c’était une professeure qu’on redoutait d’avoir. C’était une femme d’une élégance, d’une prestance incroyables, très charismatique, dotée d’une autorité naturelle, mais rassurante." Lila
Pour Bambi, cette autorité naturelle lui vient de ses années sur scène. Une partie de sa vie qu’elle ne veut pas exposer au grand jour au collège, et qu'elle dissimule soigneusement, mais qu'elle n’oubliera néanmoins pas.
"J'ai adoré mon travail en scène. D'ailleurs, je l'ai trop aimé. J'en ai profité pendant vingt ans. Et puis ma grande surprise a été que j'ai tout autant aimé enseigner." Bambi
Merci à Bambi, et Lila Abdelkader, son ancienne élève.
- Reportage : Leila Djitli
- Réalisation : Clémence Gross
- Mixage : Régis Nicolas
Pour aller plus loin :
Sébastien Lifshitz, Bambi, une nouvelle femme, Epicentre Films, 2013 (2021 pour la verson longue).
Marie-Pierre Pruvot, J'inventais ma vie, Editions Ex-Aequo, 2013.
Chansons diffusées : “Cherchez la femme” de Coccinelle et “Brividi” de Mahmood & BLANCO.
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