Dealer ou se battre

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- ©Maxppp - Tim Somerset
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Le premier employeur à ne faire aucune discrimination dans les quartiers nord de Marseille, ce sont les réseaux de drogue. Mais, contrairement aux idées reçues, les jeunes qu’ils emploient tentent souvent d'en sortir.

Djibril habite les quartiers Nord de Marseille. Pascale Pascariello l'avait rencontré en 2012. À l'époque il était guetteur pour un trafic de drogue et disait vouloir arrêter. 

J'ai perdu mon père quand j'avais douze ans. Il doit pas être très fier, même s'il en faisait, des bêtises aussi ; il rentrait à la maison, retournait en prison.... Pour lui, je vais essayer d'avancer. Je vais pas faire ça toute ma vie ;  être guetteur à trente ans, ça le fait pas ! 

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Quatre ans plus tard, Djibril a vingt-et-un ans et il est toujours guetteur. Cette fois, Pascale ne fera pas le guet avec lui ; elle l’accompagne à une journée découverte des métiers de la Défense. 

À seize ans j'ai choisi de poursuivre un CAP mécanique-bateaux. Je pensais que ça allait me plaire, mais non. À cet âge, on s'en fiche un peu du métier qu'on veut faire. 

En janvier, c'est mon procès ; on a cambriolé des capsules Senseo. Ça marchait, ça marchait...et on a été trop gourmands. On pensait trop à comment on serait bien, après le vol, avec les sous. 

À chaque fois, on se dit "c'est la dernière fois". Mais quand il y a pas de sous, et qu'un collègue appelle et propose un vol ; on résiste pas. Les réseaux, c'est dur d'en sortir.

Djibril, son éducateur Omar, et Pascale, se retrouvent donc à cette journée pour découvrir les métiers de l'armée. 

Ce qui m’intéresse le plus dans l'armée c'est le physique, le dépassement de soi. 

Mais le chef de poste du recrutement pour la légion étrangère est clair : 

Pour la présélection, il ne faut pas se préparer seulement aux tests physiques mais aussi aux tests psychotechniques, qui sont les plus difficiles. 

Un légionnaire gagne 1300 euros par mois. Il est nourri, blanchi. Quand il est en mission, son salaire avoisine les 3000 euros. Il faut avoir le goût de l'aventure. 

Djibril fait le bilan de la journée. 

Franchement, "servir la France" ça me dit pas grand chose, je me sers moi-même déjà. Si je fais pas l'armée - je leur ai dit franchement, je vais reprendre mon poste de guetteur. C'est pour ma mère aussi que je fais ça, elle serait plus apaisée. 

Pour entrer dans un réseau de drogue, l'origine et les expériences ne comptent pas. Les patrons du deal sont les premiers employeurs dans les quartiers Nord de Marseille. Jojo, quarante-ans, était aussi tombé dans ce piège vingt ans plus tôt. 

Je suis au RMI, ça me sert juste à payer mon loyer. Je n'ai pas de diplôme, donc je survis en faisant des tâches au noir, de la peinture. 

J'ai cherché du travail partout. Un CDI pour nettoyer des toilettes je l'accepterais avec plaisir. J'ai beaucoup travaillé en intérim, pour huit euros de l'heure dans des usines. Mais je n'ai jamais eu de CDI. 

J'ai dû faire dans ma vie sept ans de prison. À trente ans, j'ai eu un déclic : j'en avais assez. 

Dans les réseaux de drogue, il y a une immense organisation, ce n'est pas de l'argent tellement facile. Il faut trouver le shit, le couper, faire en sorte qu'il soit assez bon pour qu'il soit acheté etc. 

Des médiateurs sociaux viennent ponctuellement dans la ville pour essayer d'aider en proposant des activités. Mais leur venue agace les habitants qui connaissent très bien le fond du problème : "le manque de travail pour les jeunes". 

  • Reportage : Pascale Pascariello
  • Réalisation : Marie Plaçais

Chanson de fin : "Rita Mae Young" par The Record Company - Album : "Give it back to you" (2016) - Label : Concord Records

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