Quelques jours après l'invasion de l'armée russe, Florent, ex-cadre de trente-neuf ans, quitte sa famille pour rejoindre la légion géorgienne. Jérémy, ancien militaire de trente-sept ans, s'engage dans la légion internationale à Lviv, mais décide de rentrer en France au bout de deux semaines.
Nous sommes le mardi 1er mars, cinq jours après le début de l'invasion de l'armée russe en Ukraine. Florent, trente-neuf ans, ancien cadre chez Renault, quitte Bruxelles, direction Cracovie. Avec lui, un compagnon d’armes improvisé, un Lituanien rencontré au consulat d’Ukraine. Tous deux sont bien décidés à "se battre pour la liberté", même si Florent n'a "pas d'expérience militaire". Toutefois, ce père de trois enfants est certain d’avoir fait le bon choix en prenant “un engagement fort”, même si, loin de se leurrer sur sa vaillance, il ne s'"imagine pas en Rambo en première ligne".
"Le fait d'y être, c'est déjà beaucoup, pour montrer aux Ukrainiens qu'ils ne sont pas seuls." Florent
A son arrivée à Cracovie, Florent et son camarade continuent leur voyage en montant dans un bus humanitaire qui les conduit à Lviv. Là-bas, ils rejoignent le camp d’une unité militaire étrangère qui s’occupe de former les volontaires, la légion géorgienne.
"J'étais très fébrile et je savais que j'ouvrais la porte à quelque chose que je n'avais jamais fait auparavant. Mais j'étais très content de sortir de l'inaction. Je me sentais utile et convaincu de ce que j'allais faire." Florent
Florent se retrouve aux côtés de vétérans d’anciennes guerres contre la Russie, mais aussi des volontaires sans aucune expérience militaire. La formation ressemble à "un service militaire accéléré" rythmé par des alertes aériennes qui font réaliser à Florent la violence de la guerre. Malgré tout, il se sent à sa place.
"Je n’ai aucun doute quand je me réveille le matin, et je ne regrette pas de ne pas être avec mes enfants le soir. Ici, c'est la ligne de front de l'Europe, de la démocratie, de la liberté de nos enfants." Florent
Rapidement, Florent est affecté à la communication et libéré de toute activité proprement militaire. Partagé entre déception et soulagement, il reprend ses habitudes de DRH et s’occupe du recrutement des nouveaux arrivants. Il est chargé de faire le tri entre les différents profils pour écarter ceux qui sont "instables" ou qui ont fait le voyage pour de "mauvaises raisons". En effet, une fois intégrés dans la légion, certains risquent de diffuser des fake news sur les réseaux sociaux, tandis que d'autres entretiennent "le fantasme de se battre", et se mettront donc plus facilement en danger.
Des "va-t-en-guerre" peu soucieux de leur sécurité dont parle également Jérémy, ancien militaire varois, qui insiste sur la nécessité de se renseigner sur la réalité du terrain avant de s’engager, surtout quand on n’a pas d’expérience militaire. Pour lui, "il n’y pas d’honneur à donner sa vie inutilement" : parmi les Français qui s'engagent, beaucoup sont de bonne volonté, mais ils ne sont pas pour autant prêts à aller sur le front. C’est d’ailleurs le manque de préparation des autres soldats volontaires qui l’a fait changer d’avis sur sa décision de s’engager. Pourtant, au moment de quitter la France et sa famille, il n’avait aucun doute.
"Ma décision de partir aider en Ukraine s'est faite en très peu de temps, en deux ou trois jours. Quand j'ai vu les images dans les médias, que les civils étaient attaqués, je me suis senti le devoir d'aller aider." Jérémy
Ils sont sept à partir dans un minibus de location, petit groupe de volontaires rassemblés par les réseaux sociaux. Mais à la frontière polonaise, ils ne sont plus que deux. Jérémy et son camarade se voient refuser le passage en Ukraine. Les deux hommes ne se formalisent pas de ce premier échec et prêtent main-forte dans un centre logistique. Quarante-huit heures plus tard, ils réussissent à embarquer dans un convoi d’aide humanitaire et rejoignent la Légion internationale à Lviv.
Cependant, au cours de ses quinze jours de formation accélérée au centre de recrutement, Jérémy "déchante" rapidement. Il se rend compte que de nombreux soldats n’ont pas d’expérience et ne savent pas ce qu’est réellement la guerre. Ses doutes quant à l’efficacité de la légion sont confirmés lorsque le camp subit une attaque.
"En fait, je ne suis pas armé, je ne suis pas protégé. Je n'ai pas de casque, pas de plaque, pas de gilet pare-balles. Je suis avec des gens qui sont tétanisés parce qu'on vient de subir une attaque et je me dis : voilà, je vais mourir. Je prends conscience que c’est la guerre." Jérémy
Entre la barrière de la langue qui rend la communication difficile et le manque de soldats aguerris, Jérémy a l’impression de s’exposer à un danger inutile en restant dans la légion. Il décide donc de rentrer en France.
"J'avais fait cette promesse à ma fille et à ma famille de ne pas mourir bêtement et de ne pas me mettre en danger inutilement. A part aider depuis la France, faire des dons financiers pour les aider à acheminer de l'aide humanitaire à la frontière, je ne peux pas faire plus." Jérémy
Merci à Florent, Jérémy, Alain Beigel, Yäel, Irène Omélianenko.
Reportage : Clément Baudet
Réalisation : Yaël Mandelbaum
Mixage : Fabien Capel
Chanson de fin : "Blumi the Darkness" de Blumi.
Pour aller plus loin :
- Rémy Ourdan, "Guerre en Ukraine : "Nostalgique d’une époque où la gauche savait se battre", un père de famille français rejoint la légion internationale de Kiev", Le Monde, 5 mars 2022.
- Philippe Chapleau, "Guerre en Ukraine. 20 000 volontaires étrangers viennent gonfler les rangs face à l’occupant russe", Ouest-France, 8 mars 2022.
- Pierre-Louis Caron, "Guerre en Ukraine : quatre questions sur la Légion internationale créée par Kiev", France Info, 10 mars 2022.
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