Étudiants : les tricheurs

Etudiants : les tricheurs
Etudiants : les tricheurs ©Getty -  Yuri_Arcurs
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Avec les examens à distance en raison du Covid, les techniques de triches étudiantes évoluent. Juliette, trop angoissée, a triché pour un oral, Sophie s'est lancée dans une petite industrie collective de la triche. Benjamin, lui, s'est battu contre un logiciel anti-triche.

Juliette a 26 ans, elle est étudiante en master de psychologie. Durant le premier confinement, elle n'a que peu de travail pour pallier son ennui. 

Les professeurs, de mon point de vue, n'étaient pas motivés du tout, on n'a pas eu beaucoup de retours.

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Les restrictions économiques et de déplacement la conduisent à perdre son stage. Le déconfinement a été une période qu'elle qualifie de "semi-liberté" où elle a tenté de préparer ses examens malgré, une ambiance assez peu studieuse au sein de sa famille. 

Je me suis dit que je n'arrivais pas à travailler, qu'il fallait faire comme les autres et tricher en me servant de mes deux ordinateurs. 

Ainsi, décidée à s'en sortir aux moyens de la triche, elle prépare de nombreuses fiches qu'elle affiche sur son second ordinateur pendant qu'elle fait son examen en visio sur le premier.

Même si j'avais tout bien préparé, j'étais plus stressée par ma triche que par l'examen en lui-même.

Elle ressent dans les premiers temps une forme de culpabilité qu'elle relativise en se disant que son stratagème ne l'a pas tant aidée.

Cette idée de triche a été induite par le distanciel, bien-sûr, mais aussi par le manque de motivation impliqué par le manque de présence des enseignants.

Même si c'était la première et sans doute la dernière fois, je n'ai pas honte d'avoir triché. Je pense que ça n'enlève rien au travail que j'ai fait cette année-là. 

Sophie a 20 ans, elle est en troisième année d'école de commerce. Chez elle, scotchée à son ordinateur, elle s'endort souvent devant ses cours à distance.

Avoir cours en ligne est assez peu stimulant, ça fait de vous un flemmard. Pour les partiels, j'ai révisé à 30%. On était tous à cours de motivation.

Quand un camarade de classe propose une triche collective en ligne, la classe décide de le suivre. Ils commencent, pour les examens suivants, à payer des corrections en ligne ou à faire des appels collectifs. Bref, ils redoublent d'inventivité.

On avait les cours en ligne, on allait chercher des infos sur internet et on mélangeait tout avec les réponses des uns et celles des autres.

On est en école de commerce on a appris à être malins. On a créé une petite entreprise dont on est très fiers avec ce stratagème.

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Ce fonctionnement presque "d'équipe" a été une stimulation intellectuelle, un travail de groupe pour ces élèves en mal de motivation. La démarche, plus excitante que stressante, n'a cependant pas empêché les conflits entre les différents acteurs de l'entourloupe. 

Sophie note par ailleurs que la réputation de l'école est en jeu et que, si la triche avait été découverte, en raison des statistiques, l'école aurait été bien en peine de faire échouer une classe de 30 élèves.

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Benjamin a 24 ans, il  a fait ses études en Suisse, à l'université de Genève. Lui aussi a fait l'expérience des cours et des examens en ligne durant le confinement. Sa fac a mis en place un logiciel supposé identifier les différents tricheurs. 

Je me suis indigné en me disant qu'un innocent pourrait se faire condamner à tort par un algorithme.

Finalement, avec le soutien de ses camarades, et grâce à une lettre de plainte qu'il envoie notamment au directeur et au rectorat, il obtient une version édulcorée du même logiciel. 

Ca m'a permis d'être posé, de ne pas me dire que j'étais filmé, ou écouté. J'ai pu travailler avec un 33 tours de musique baroque et passer mes examens dans un cadre agréable.

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Reportage : Anna Benjamin 

Réalisation : Clémence Gross

Merci à Juliette, Sophie, Benjamin, Clara, Alice et Kadiatou. 

Musique de fin : le "Lamento de la Ninfa" de Monteverdi.