In vino veritas : vols et vin

Michel-Jack Chasseuil et sa collection de vins rares, prestigieuse, mais aussi convoitée.
Michel-Jack Chasseuil et sa collection de vins rares, prestigieuse, mais aussi convoitée. ©AFP - NICOLAS TUCAT
Michel-Jack Chasseuil et sa collection de vins rares, prestigieuse, mais aussi convoitée. ©AFP - NICOLAS TUCAT
Michel-Jack Chasseuil et sa collection de vins rares, prestigieuse, mais aussi convoitée. ©AFP - NICOLAS TUCAT
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Braquage à main armée de la cave à vin la plus prestigieuse du monde et mystérieux vol de pieds de vigne dans un domaine alsacien... Quand le vin et les vignes déchaînent les convoitises !

La vin ou la vie : sauver la cave à tout prix

A 84 ans, Michel-Jack Chasseuil fait partie des plus grands collectionneurs de vin. Il a commencer à acheter des bouteilles "juste au moment où ça démarrait, avant que ça soit devenu un produit de luxe". Après bien des recherches et des investissements, Michel-Jack est désormais l'heureux propriétaire d'une immense cave privée, un véritable "sanctuaire" de 4 500 étagères, qui contient quelques 40 000 bouteilles. Et que du bon ! Les plus grands vins y sont gardés comme un trésor, dans la petite commune de La Chapelle-Bâton, située à cinquante kilomètres au sud de Poitiers.

"Je pense que je dois avoir des anges gardiens pour avoir réussi à faire cette cave, la plus prestigieuse du monde, dans un petit village de quatre habitants." Michel-Jack

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Aujourd'hui pourtant, le secteur est devenu très concurrentiel, au point qu'il n'échappe plus à la spéculation. Les amateurs de vin sont toujours légion, mais certains se sont mis à constituer des caves pour leur seule valeur marchande, et non plus par goût pour les bonnes bouteilles.

"De plus en plus de gens investissent dans le vin parce que ça augmente tellement vite que ça rapporte plus que n'importe quelle action." Michel-Jack

C’est ce qui explique selon Michel-Jack l’augmentation des cas de vols de vins, dans les domaines ou chez les particuliers. Lui-même en a fait les frais.

Un matin de 2014, on sonne tôt chez le collectionneur. Il pense tout d'abord qu’il s’agit d’une livraison pour sa collection de grands crus, mais comprend rapidement qu'il se trompe lourdement. Une dizaine d’hommes armés de kalachnikovs le prennent en otage et lui réclament la clef de sa cave. Il faut dire que dans sa cave, on trouve des Petrus, en nombre – pour rappel, une caisse vaut plus de 30 000 euros – et puis beaucoup de Romané-Conti millésimés. Face au refus de Michel-Jack, ses agresseurs le rouent de coups et le menacent de lui "percer le cou" avec un tournevis ou de lui "couper les doigts" avec une serpe.

"A ce moment-là, votre vie vous échappe. La première chose qui reste, c'est de dire comment vous allez vous en sortir. Mon cerveau se concentre pour supporter la douleur. C'est là où j'ai appris que le corps humain a des ressources inattendues : à un moment donné, je ne sens même plus les coups." Michel-Jack 

Même sous la torture, Michel-Jack refuse d’ouvrir la porte : "On ne me la fait pas, à moi !" Peu impressionné par la bande de braqueurs, il n’est pas prêt d'abandonner sa prestigieuse collection… Et puis Michel-Jack a une idée qui pourrait lui permettre de se tirer de ce mauvais pas...

"Ils m'enferment dans la petite cave de ma grand-mère. Il est dix heures du matin. Je me dis que j'ai peut-être un moyen de m'échapper." Michel-Jack 

La prestigieuse cave à vin de Michel-Jack Chasseuil.
La prestigieuse cave à vin de Michel-Jack Chasseuil.
- Elodie Maillot
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Les Pieds sur terre
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Face à la crise, le déracinement

Anne-Cécile gère un domaine viticole à Kientzheim, dans la région de Colmar. Son exploitation familiale s’étend sur quinze hectares de vignes biologiques. Pourtant, entre la crise sanitaire et économique et la fermeture des restaurants, l’activité du secteur est en berne. 

"On a quand même 70% de notre activité qui était complètement à l'arrêt." Anne-Cécile

Et puis surtout, pour ne rien arranger, "il y avait une pénurie de pieds de vigne". Ainsi, quand en mai 2021, Anne-Cécile et son mari se rendent compte qu’il leur manque près de cinq cents pieds de vignes, ils sont atterrés. Anne-Cécile essaie de comprendre, bien qu'elle n'ait dans un premier temps pas la moindre idée de l'identité du voleur ou de la voleuse. Quand elle remarque "des traces de pneus de voiture sur la parcelle", elle se dit que “c’est forcément un collègue viticulteur dans la région".

"Nous, nos pieds de vigne, on les met en terre, c'est un peu nos enfants. On les soigne tout au long de leur vie pour que, finalement, ils nous donnent le meilleur d'eux-mêmes. J’étais en colère, parce qu’il y a un côté très sacré à nos plantations." Anne-Cécile

Anne-Cécile décide de retrouver le coupable, via Facebook d’abord, puis en alertant la police, qui lui apprend qu’elle n’est pas la seule victime. Ailleurs en Alsace, à Kaysersberg, à Ammerschwihr et à Bennwihr, plus d’un millier de plants de vigne ont été volés en seulement quelques semaines. La "belle solidarité" qui règne habituellement entre les collègues viticulteurs se transforme peu à peu en défiance : l’un d’entre eux, cédant à la panique, se serait donc laissé aller à un acte de vandalisme…

On ne parle pas la bouche pleine !
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Merci à Michel-Jack Chasseuil, à Anne-Cécile du domaine Schmitt et Career, et à maître François-Xavier Morisset.

Reportage : Elodie Maillot

Réalisation : Anne-Laure Chanel, Emmanuel Geoffroy   

Mixage : Philippe Mersher

Chanson de fin : “RHODODENDRON” par Hurray for the Riff Raff.

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