En 1988, à Gibraltar, Marc Fiévet est repéré par les douanes françaises qui lui proposent de devenir informateur. Il commence un travail d'infiltration dans les plus grands réseaux de trafic de drogue. Ses missions prennent de plus en plus d’ampleur, jusqu’au jour où il se retrouve pris au piège.
Matricule NS 55
Parti pour un tour du monde en bateau, Marc Fiévet s'installe en 1988 à Gibraltar. Son profil d’aventurier, à la fois navigateur, pilote d’avion et conducteur de poids lourds, intéresse la Direction nationale du renseignement et des enquêtes. Un jour, il est approché par la Direction nationale du renseignement et des enquêtes, qui lui propose un poste d’“aimable correspondant”, c'est-à-dire, en d’autres termes, d’agent secret.
Dans le détroit de Gibraltar, la porte d’entrée de la Méditerranée, les réseaux de trafics sont nombreux. La douane française cible donc en priorité les trafiquants de cigarettes, de cannabis, mais surtout de cocaïne, en provenance du Maroc ou de l’Atlantique. Marc Fiévet doit enregistrer les conversations auxquelles il assiste, prendre des photos, récolter des informations sur les bateaux français qui circulent dans la marina. Puis, un jour, on lui demande de s’infiltrer parmi les narcotrafiquants.
"C’étaient des gens qui étaient capables de bouger des dizaines de tonnes de cocaïne et des centaines de tonnes de cannabis. J'ai rencontré les successeurs d’Escobar." Marc Fiévet
Marc Fiévet se souvient encore avec émotion de sa première grosse opération. Il doit faire entrer 1 280 kilos de drogue en France, mais il ignore à ce moment-là que cette marchandise a été achetée par la douane elle-même, pour ensuite la revendre et arrêter ceux qui l'achèteront. Marc est pris dans un engrenage complexe quand les trafiquants marocains commencent à avoir des soupçons, mettant en péril sa propre vie : "Il y avait un risque majeur, je pouvais disparaître ou même être éliminé." Malgré tout, l'infiltré parvient à mener la mission à bien, et il est même félicité en personne par le ministre du Budget de l'époque, Michel Charasse.
Malheureusement, ce double jeu n’est pas sans risque, et quelques années plus tard, en 1994, Marc se retrouve pris au piège.
"Des mafieux institutionnels"
Alors qu’il organise le transport de cinq tonnes de cocaïne vers le Canada pour le compte d’un grand narcotrafiquant, Claudio Locatelli, Marc Fiévet est arrêté par les autorités canadiennes. En 1997, il est condamné à perpétuité : les autorités canadiennes ne sont pas au courant des stratégies de la douane française et pensent en effet arrêter un véritable trafiquant. Quand Marc Fiévet tente de se défendre, il se rend vite compte qu'il a été abandonné par les autorités françaises. Extradé en France, il passe sept ans en prison en attendant qu’un de ses anciens collaborateurs le fasse libérer. "Chaque pays a joué sa carte et ils n'en ont rien à foutre d'un agent infiltré”, constate l'ex-infiltré d’un ton amer, conscient d’avoir été sacrifié pour le bien de la diplomatie internationale. Lui qui ne fait pas partie du monde des hauts fonctionnaires et autres énarques, il ne cache pas sa déception et sa colère.
"On se demande si ces gens-là ont une éthique, s'ils sont au service de l'Etat et du plus grand nombre, ou s'ils sont à leur propre service pour faire du fric. Ce sont des mafieux institutionnels, mais ce sont des mafieux : tous les coups fourrés sont permis." Marc Fiévet
Merci à Marc Fiévet.
Reportage : Aladine Zaïane
Réalisation : Emily Vallat
Mixage : Valérie Lavallart
Pour aller plus loin :
- Marc Fiévet, L’Aviseur, Michel Lafon, 2003.
- Olivier-Jourdan Roulot et Marc Fiévet, Dans la peau d'un narco. Infiltré au cœur de la mafia, Hugo Doc, 2007.
- Julien Leclercq, sur un scénario d'Abdel Raouf Dafri et de Marc Fiévet, Gibraltar, Chapter 2, 2013. Avec Gilles Lellouche dans le rôle de Marc Duval.
Musique de fin : "Gli Uomini Celesti" de Lucio Battisti.
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