La dictée :"Mes notes c’étaient -20, -30/20. Mon objectif, c’était d’atteindre le 0"

Dictée des cités
Dictée des cités - Delphine Dhilly
Dictée des cités - Delphine Dhilly
Dictée des cités - Delphine Dhilly
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Des histoires de dictées, glorieuses, salvatrices, humiliantes, ou dévastatrices, qui les ont marqués, des fautes incroyables et des succès publics. Retour sur une passion nationale et irrationnelle : la dictée.

A la suite de la diffusion d’un reportage de Rémi Douat sur le maire de Pont Sainte-Maxence qui coupait le R.S.A. aux alcooliques et alpaguait des SDF en les accusant d’être feignants, un auditeur et internaute m’interpelle sur twitter : « dites @SoniaKronlund vous êtes réac. vous ne mettez pas le sinopsis de vos émissions en écriture inclusive. pour le reste, Bravo à ce Maire! ». Ce message me pose alors trois problèmes. Le premier c’est qu’il adresse des félicitations au maire et que ce n’était pas exactement la visée du reportage. En même temps, je me dis, « soyons heureux d’être écoutés de tous.

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Le deuxième est plus gênant. Le tweet en question contient plusieurs fautes d’orthographe et de ponctuation. En 140 caractères, il faut le faire ! Même sur twitter, les fautes d’orthographe restent stigmatisantes, elles donnent des informations sur celui qui écrit, elles permettent de faire une distinction, comme on dit. Sur le coup, ça m’ennuie de le remarquer mais je ne peux pas m’en empêcher. Je sais que l’orthographe sert à ça, à opérer une ségrégation, dont témoigne l’exercice bien connu, sadique, et jouissif pour certains, la dictée, une passion française dont nous parlons aujourd’hui. La dysorthographie, on le constate chaque jour, est un facteur d’échec scolaire, social, une humiliation nationale. Une candidature pleine de fautes, tout comme un SMS ou un tweet avec des fautes d’orthographe, ça dit quelque chose, parfois de rédhibitoire, même si on trouve ça injuste, et qu’en théorie on s’efforce de pas faire ce genre de distinction, c’est difficile de s’en abstraire. Je suis donc en pleine contradiction, une deuxième fois.

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L'orthographe, c'est sacré !

"Le truc qui m’obsédait, que je n’arrivais pas à comprendre, c’était la première phrase du journal télévisé : ‘Bonsoir à tous !’ Et moi je cherchais dans mon dico ce que ça voulait dire ‘ratous’"

Le troisième problème que me pose ce message, évidemment, c’est la question de savoir si je ne devrais pas et si nous ne devrions pas tous écrire de manière inclusive, les synopsis, les dictées, les livres. Les Suédois ont bien inventé un troisième genre, neutre, qui évite de féminiser ou masculiniser les mots et ça marche super bien. Et les Editions Hatier viennent de publier un manuel scolaire dans lequel le masculin ne l’emporte jamais sur le féminin. Il y a plusieurs stratégies orthographiques pour cela : on écrira par exemple les « droits humains » et pas les « droits de l’homme », « les maçonnes et les maçons » au lieu de « les maçons », ou encore les « électeur.rice.s » au lieu de « les électeurs ». A la réflexion, je n’ai trouvé aucun argument contre l’écriture inclusive. Je suis d’accord avec cet auditeur, l’orthographe c’est sacré, c’est le reflet profond de notre société, de notre culture. L’écriture inclusive pour toutes et tous, ce sera une grande avancée. Demain, je m’y mets.

Mes notes c’étaient -20, -30/20. Mon objectif, c’était d’atteindre le 0. C’était un peu la blague à chaque cours : ‘est-ce qu’il va réussir à atteindre le zéro avant la fin de l’année ?’. A mon 3/20, j’ai eu des applaudissements de toute la classe […] J'ai mon bac et 16 en philo. C'est ma revanche personnelle sur le français.

En attendant, voici trois histoires de dictées, plus ou moins traumatisantes, et quelques réflexions sur la place de l’orthographe dans notre pays.

Chanson de fin : "Colibria" par Nicola Cruz - Album : "Prender el alma" (2015) - Label : ZZK Records.

  • Reportage : Delphine Dhilly
  • Réalisation : Alexandra Malka

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