En 2011, à Garges-lès-Gonesse, le petit frère d’Adama est tué de plusieurs coups de couteau. Des années plus tard, Adama veut venger son frère. Il retrouve les responsables de sa mort et leur tire dessus. Pensant soulager sa peine ainsi que celle de sa famille, il écope de huit ans de prison.
Adama vit à Garges-lès-Gonesse. Il y a dix ans, en 2011, il menait une vie normale. Une nuit, il est cependant réveillé à deux heures du matin en sursaut. Sa compagne l'informe que son petit-frère Sada a été assassiné.
Sada était un jeune homme ambitieux, doué et motivé, selon son frère. Il voyait les choses en grand pour son avenir. Sur les lieux de l’incident, Adama voit le monde s’écrouler :
Je vois un drap blanc qui recouvre un corps, celui de mon petit frère. C'est comme dans les films : quand on voit un drap blanc, on sait que c’est terminé, fini.
Le choc et le silence du deuil envahissent le foyer familial. « Le deuil, on l’apprend pas à l’école », affirme Adama. En sortant de la morgue, il est saisi par la culpabilité : il juge qu’il n’a pas réussi à protéger son petit frère. L’idée de la vengeance commence à germer en lui, même si son père l’incite à ne pas concrétiser ces pensées.
Ce jour-là, ils ont tué mon frère, mais ils nous ont aussi tué.
Les meurtriers de Sada sont des amis. Tout est parti d’une prise de tête, d’embrouilles qui ont dégénéré. Les responsables sont vite arrêtés et placés en détention provisoire. En revenant de la morgue, Adama constate que toute la ville se mobilise pour soutenir sa famille.
L'histoire aurait pu s'arrêter là. Un an après les faits, le jeune homme a refait sa vie : il a une nouvelle compagne, un nouveau travail. Il devient père en 2013 et connait le bonheur à tout point de vue.
J’oublie la vengeance. Parfois, elle revient, quand viennent les anniversaires : le 10 mars c’est son anniversaire, le 18 septembre c’est sa mort. À ces moments-là, c’est vrai qu’il y a toujours la vengeance qui vient nous chatouiller. Mais non, il faut continuer à vivre.
Un soir, en plein milieu de la nuit, alors qu’il donne le biberon à sa fille, Adama a un déclic. Il ne peut continuer à vivre comme si de rien n’était. Il lui faut faire quelque chose.
Toutes ses années de rage intérieure, de colère, de tristesse […], je gardais tout pour moi.
L’idée germe. En 2014, Adama décide de prendre une arme et d’aller voir l’endroit qu’il sait fréquenté par les responsables du meurtre de Sada. Ils sont présents. C’est maintenant ou jamais, se dit le père de famille. Il tire sur un homme, un deuxième, puis un troisième.
Quand il s’est écroulé, il était mort, pour moi.
Adama est immédiatement interpelé et placé en garde à vue. Il a blessé trois personnes. La conscience morale commence à le hanter, à mesure qu'il se rend compte de ce qu'il a fait. Il pense même avoir tué :
Je l’ai quand même tué, et c’était un pote à moi. J’ai grandi avec ce gars.
Placé en détention provisoire en août 2014, Adama s’adapte progressivement à cette nouvelle vie. « Maintenant je suis là, j’assume ». Il assiste au procès du meurtre de Sada en étant menotté. Les responsables sont condamnés, mais Adama regrette de ne pouvoir assister, entre autres, à la première rentrée de sa fille. Après quatre ans de détention, il bénéficie d'une liberté conditionnelle. Il finit par rentrer chez lui. Sa fille ne semble pas le reconnaître…
C’est alors qu’il tombe sur la vidéo d’un lynchage dans sa ville. Il décide d’agir contre ces problèmes de violences. Lui-même rappeur, Adama commence à parler aux autres jeunes des cités de Lamartine, La Muette ou Le Corbusier. Il les démarche, les fait rapper et s’exprimer.
Rapidement, l’encadrement de cette équipe de jeunes aboutit à une forme de cordialité et de bonne entente. Après l’enregistrement de son morceau, le collectif doit tourner un clip. Alors que certains sortent des armes, Adama les ramène à la raison :
C’est pas parce que vous sortez des armes que votre clip va être meilleur…
L’ancien détenu parle de son projet aux autorités locales. C’est ainsi que « Descente de mots » naît : Adama organise des ateliers d’écriture qui permettent aux jeunes de s’exprimer.
Entre temps, le moment du procès arrive. Sans surprise, Adama est condamné à huit ans de prison ferme. La rencontre avec le procureur est comme une révélation : il tient d’ailleurs à remercier ce « second père » pour la leçon de morale qu’il lui a donné. En juillet 2019, Adama sort en semi-liberté. Il a effectué 70% de sa peine.
Aujourd’hui, le père de famille fait des interventions et de la prévention dans les écoles. Il raconte son histoire, celle de son frère, celle de sa vie. Des élèves le remercient, lui écrivent des mots, des lettres et des courriers :
Quand je lis tout ça, je me dis que ma victoire est là.
Reportage : Leila Djitli
Réalisation : Emmanuel Geoffroy
Merci à Adama Camara, à Coco et Natacha, aux membres de l'association SADA et Descente de mots, une association de prévention contre les rixes. Voici les profils Facebook et Instagram d'Adama, dont le nom de scène est SANSAN, où vous trouverez toutes les informations nécessaires.
Musique de fin : "Rixes", Sansan & Laquica - Album : Rixes, 2021 - Label : Z4 CORP.
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Réalisation
- Production déléguée
- Collaboration