Inventaire des expressions en vigueur dans les cours de récréation autour de la figure maternelle : des lycéens évoquent les “ta mère en string” et autres trouvailles langagières en tout genre. Et racontent la vraie vie de leurs mères.
“La vie d'ma mère”, c’est sans doute l’expression la plus entendue dans les cours de récréation des collèges et lycées de France. Il faut entendre par là : “Je le jure sur la vie de ma mère.” Mais qu'est-ce que cela signifie exactement ? Delphine Saltel, collaboratrice des Pieds sur Terre, a rencontré des lycéens de part et d'autre du périphérique, à Bobigny et dans le dix-septième arrondissement de Paris, pour comprendre ce qu'ils veulent dire lorsqu'ils utilisent cette expression. Et les réponses fusent !
"Je ne me verrais jamais dire “La vie d’mon père !”, c’est pas naturel."
"Quand quelqu’un ne croit pas ce qu’on lui dit, on répond : “La vie d'ma mère !” Et là, c’est une certitude."
Au détour de quelques jurons, les lycéens racontent aussi qui est leur mère, la vraie pour le coup. Plus largement, ils évoquent la relation qu'ils et elles entretiennent avec leurs mères. Pour certains, qui ont un rapport plutôt distant à leur mère, difficile de raconter quoi que ce soit. Justine, jeune lycéenne d'origine chinoise, raconte qu'à cause de la barrière de la langue, elle n'a "pas du tout l'impression de connaître" sa mère.
"Je pense qu'on est quand même assez distantes, dans la mesure où elle ne parle pas vraiment français, et moi, je ne parle pas vraiment chinois. Du coup, on ne peut pas vraiment se comprendre. Donc autant ne pas se parler." Justine
D'autres, en revanche, connaissent très bien leurs mères et se livrent sans détour sur les épreuves qu'elles ont traversées ou sur ce qui les habite à présent. La mère de l'un travaille dans une maison d'édition juridique et a écrit un "recueil de citations organisé par mois", où, grâce à de belles maximes de Gandhi, elle invite ses lecteurs à changer leur façon de voir les choses, et, peut-être, le monde. Manell, elle, raconte l'enfance de sa mère en Algérie, marquée par la sévérité d'un père qui la battait, puis son ancien quotidien de femme de ménage dans des hôtels de luxe et sa récente surdité.
Comment parler des mères sans évoquer la charge ménagère et mentale qui repose sur nombre d'entre elles ? Une lycéenne raconte ainsi le déséquilibre qu'elle a pu observer entre ses parents dans la répartition des tâches à la maison.
"Ma mère est éditrice. Je trouve qu'elle travaille beaucoup à la maison surtout, et aussi au boulot. Donc elle doit à 100%, H24, travailler, travailler, et pas s'arrêter. Même le samedi ou le dimanche, elle doit quand même nous aider à faire nos devoirs ou faire des lessives !"
Merci à Aude Paul, Jean-Luc Yvon, Leslie Riowal, les élèves et les équipes des deux lycées.
Reportage : Delphine Saltel
Réalisation : Emmanuel Geoffroy (Cécile Laffon)
Première diffusion : 2/1/2019.
Chanson de fin : "Come With Us" par Lindsey Stirling (Feat. Can't Stop Won't Stop) - Album : Come With Us (2012).
Des nouvelles des lycéens et de leurs mères
Justine, l'élève d'origine chinoise qui parle de ses relations distantes avec sa mère, qui travaille beaucoup dans un restaurant chinois, fait aujourd'hui des études de langues, conformément à ce qu'elle raconte dans l'émission. Elle est désormais en L1 d’anglais à la Sorbonne. En ce qui concerne sa mère, Justine raconte qu'elles se sont beaucoup rapprochées récemment, parce que sa mère lui a demandé de travailler avec elle au restaurant de temps en temps pour l'aider. En travaillant ensemble, elles se sont mieux comprises, elles ont pu passer du temps ensemble, apprendre à être plus patientes. Justine a notamment parlé du confinement, qui leur a aussi permis d'être plus en contact. Grâce à ce rapprochement, Justine a amélioré son chinois, ce qui a également favorisé la complicité et la communication avec sa mère. Bref, tout va mieux.
Manell, qui parlait de sa mère d'origine algérienne qui a un problème à l'oreille, est entrée en BTS d'esthétique-cosmétique-parfumerie à Orly. Au départ, ce n'est pas ce qu'elle voulait faire : elle voulait devenir prof de gym, mais elle n'a malheureusement pas été acceptée en STAPS. Mais finalement le BTS lui plaît, parce que, dit-elle, ce n'est pas un CAP esthéticienne, le BTS est une formation pour devenir patronne ou gérante, et ça, ça lui plairait bien. En revanche, Manell est inquiète pour sa mère qui a eu beaucoup de soucis de santé, plusieurs AVC, et qui a du mal à se remettre de la mort de sa mère à elle. Quand Delphine Saltel a téléphoné, Manell venait de s'occuper de prendre des billets d'avion pour que sa mère aille bientôt en Algérie, où elle n'a pas pu retourner depuis trois ans, pour se recueillir sur la tombe de sa propre mère. Manell pense que ça lui fera du bien.
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