Femme enfant et femme objet, revendiquée comme telle, elle s’occupe de son corps, de ses tenues et de son mari avec la plus grande dévotion. Portrait d’une geisha venue d’un monde avant #metoo.
Corinne vit une vie de château. Un château certes un peu vide, construit par un Prix de Rome en 1927. Une immense demeure à Fontainebleau, à quarante minutes de Paris. Corinne a du personnel, Corinne a de l’argent, des tonnes de vêtements et un mari aimant.
Cela fait maintenant 30 ans qu’elle vit ici. Elle est entourée de ses deux employées, d’origine portugaise et sri-lankaise, qui font tourner la demeure.
Quand j’ai rencontré mon mari, c’était en fait le second. Une amie de maman m’a invitée à partager une soirée, et puis ça a été le coup de foudre. On a été foudroyé l’un et l’autre, donc bien embêtés, car chacun était bien inséré dans une vie sociale et affective. Moi, j’avais un petit garçon d’un an et demi. Il a été le premier à divorcer pour me donner la route.
Corinne croit à l’amour, au charme, au luxe ainsi qu’à sa féminité. Elle se dit volontiers geisha :
J’ai eu tellement de bonheur de la part des hommes que je leur voue presque un culte. Je serais presque geisha, en fait.
La visite de sa maison est celle d’un château de princesse où s’enchaînent les placards et les penderies débordants de vêtements.
Je suis féminine en diable. Il paraît que j’ai une façon de bouger qui est particulière. J’ai un copain à Biarritz qui me dit toujours : « Marche et reviens ! » C’est un médecin esthétique, il me dit tout le temps qu’il adore ! Il est fasciné par ça. Moins que la garde robe, je pense qu’il y a la femme qui les porte.
En nous recevant, elle porte fièrement ses boots Dior et des habits luxueux :
Ça m’arrive d’être simple.
La visite de son dressing est l’occasion pour elle de se souvenir de ses séjours au Royal Palm de l’île Maurice, luxueux hôtel où la nuitée coûte des milliers :
Il fut un temps, j’ai fait 15 ans de Royal Palm à l’Île Maurice. Et le Royal Palm, c’était l’endroit idéal pour aller dîner le soir, prendre une coupe de champagne au bar et s’acheminer vers le restaurant, avec les escaliers qui descendent. […] J’adorais le bruissement des taffetas.
Soies, froufrous, fourrures et taffetas, grands noms de la mode comme Dior, Gucci, Ralph Lauren, Chanel, tout y est :
Cette jupe, voyez, c’est Westwood. Viviane. J’aime beaucoup sa folie, il y a des nœuds — elle est magnifique ! J’ai un fourreau Gucci. Ici, c’est quoi… ? C’est un autre fourreau. Bon.
Son boudoir est comme son petit refuge :
Quand mon mari ronfle trop, je me réfugie dans mon boudoir et je dors là.
Au milieu des centaines de robes de jeans, Corinne évoque son rapport aux vêtements. Elle est une fashion addict. À force de faire chauffer la carte bleue, ses ardeurs sont calmées par son mari :
Je me traîne, au fil de mes coups de coeur… Quelques fois le budget est là, quelques fois je n’ai plus budget, parce que je suis dépensière, donc j’ai un mari qui me dit « stop ! ».
Malgré tout, son mari chef d’entreprise est très généreux, très gentil et très amoureux. Corinne est très fière de lui « en faire voir » : elle est haute en couleurs, croque la vie à pleines dents et veut vivre en multipliant les expériences, quitte à faire quelques petits caprices dont elle est parfaitement consciente. Elle insiste : elle a beaucoup de chance de connaître un tel amour et d’être entretenue. Néanmoins, elle est parfois lassée de devoir rendre des comptes, notamment à propos de ses achats :
Je continue à être sa poupée, son petit trésor à lui. Je lui ai dit que j’avais besoin de liberté. L’année dernière, j’ai passé sept mois à Biarritz.
Il faut dire que ça ne s’arrête jamais. Les vêtements abondent de partout. Cette fois-ci, ce sont les jeans et les chaussures :
Je n’ai que ça, des talons. Du python teinté bleu ! Pour mettre avec des jeans… C’est sympa, hein ?
Il y a aussi des blousons à 1500 ou 3800 euros. Corinne raconte d’ailleurs sa « technique » d’achat : elle appelle son mari, minaude et fait tout un drame. Si son époux râle, il finit par accepter.
Malgré tout, la vie de château est un travail, parfois riche de mauvais côtés. En faisant le tour de sa vingtaine de fourrures, Corinne confie :
Mes fourrures, je ne les porte plus, parce que c’est lèse-majesté maintenant. Vous savez bien que maintenant les actrices posent nues pour montrer le scandale que c'est que de porter des petites bêtes… Donc je ne porte plus. J’ai eu des petites aventures à Paris, où je me suis faite agresser par des gens dans la rue, d’une façon très vulgaire, très violente.
Si elle porte de la fourrure, Corinne est pourtant végétarienne depuis 18 ans. Et elle aime se lancer « des petits défis idiots » : par exemple, elle ne mange plus de dessert pour préserver sa ligne. Elle a un sauna, une salle de gym personnalisée, et sa salle de bains est comme à ciel ouvert :
J’ai fait venir un peintre pour me faire faire un petit ciel dans ma salle de bains !
Concernant l’entretien de soi, il y a aussi la chirurgie. Contre l’avis de son mari, Corinne s'est fait refaire les seins puis les paupières, entre autres injections de botox et d’acide hyaluronique. Car la vieillesse est une maladie grave pour Corinne :
La chirurgie, c’est comme les gens qui luttent contre la maladie. Ils savent qu’ils ont une maladie grave, mais c’est pas une raison pour baisser les bras ! Ils savent qu’ils n’en viendront peut-être pas à bout de leur cancer, mais ils ne vont pas se filer une balle dans la tête, donc ils vont lutter !
La visite se termine par un retour au salon. C’est l’occasion de croiser la grand-mère de Corinne. Au coin du feu, près de la cheminée, Sonia et Corinne discutent. Et Corinne avoue se sentir seule, s’ennuyer :
Tout ce que je peux faire d’intéressant, c’est Paris. Et c’est loin.
Reportage : Sonia Kronlund
Réalisation : Emmanuel Geoffroy (et Clémence Gross)
Merci à Corinne T.
Musique de fin : "Weary Blues", Madeleine Peyroux - Album : Careless Love, 2004.
1ère diffusion : le 11/02/2010
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