Le blanchiment de la peau

Blanchiment de la peau, attention danger !
Blanchiment de la peau, attention danger ! ©Getty - © Sergey Mironov / Collection Moment
Blanchiment de la peau, attention danger ! ©Getty - © Sergey Mironov / Collection Moment
Blanchiment de la peau, attention danger ! ©Getty - © Sergey Mironov / Collection Moment
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Dans le quartier de Château Rouge à Paris, on se cache toujours pour acheter les produits à base d’hydroquinone destinés à blanchir la peau et réputés pour leur toxicité. Aminata a commencé à l’âge de 18 ans et raconte une quasi addiction.

Ce sont des produits presque tous interdits, achetés sous le manteau entre Château-Rouge et le boulevard de Strasbourg, dans le nord de Paris, dans des salons de coiffure. Ils sont à base d'hydroquinone, un composant chimique qui dépigmente la peau, avec de graves conséquences sur la santé

Sur le marché français, on trouve plus d'une centaine de marques, et, ce sont des produits qui nécessitent une consommation continue pour obtenir un résultat visible, entraînant ainsi une sorte d'addiction, et ponctionnant une partie substantielle du budget "beauté".

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Les différentes teintes se nomment Body light, Skin light, Métissé, Clair total ou encore Vite fait. Le but est d'avoir un teint blanc neige, synonyme de réussite, de séduction, de pouvoir et promesse de richesse. 20 % des Africaines vivant en région parisienne se font blanchir la peau (chiffre 2008).

L'histoire d'Aminata

Aminata, jeune femme de 35 ans raconte comment elle en est venue à se blanchir la peau, notamment en voyant ses grandes soeurs le faire. Ça donnait bonne mine. Ça faisait qu'on était plus gaies. Les gens avaient plus de regard vis-à-vis de nous.

Elle a commencé à se fournir sur les marchés et s'est vite aperçue que les produits abîmaient sa peau. Alors, elle est allée aux Etats-Unis voir un dermatologue qui lui a prescrit des pommades en fonction du résultat qu'elle souhaitait. Il y avait un catalogue. Tu dis, je veux ça et ça. On vous propose même la photo de Michael Jackson ! Elle va jusqu'à se faire des injections de cortisone de l'âge de 18 ans jusqu'à 30 ans, malgré les dangers. Soit je faisais les injections, soit je faisais les crèmes. Mais l'inconvénient, c'est que je pouvais ne pas faire d'enfant. Et à la fin, j'avais mes surrénales qui fonctionnaient plus. [...] Ce n'est pas quelque chose qui est bien, c'est négatif pour la peau, et pour toutes les carences qu'on peut avoir plus tard.

Entre les injections et les visites chez l'esthéticienne, Aminata dépense environ 2 500 € par mois, pendant une douzaine d'années. Elle fustige les hommes africains qui poussent les femmes à faire ça parce qu'ils préfèrent les femmes de peau claire.

Un problème de mentalité : Quand vous arrivez, en Afrique et que vous vous êtes dépigmenté la peau, on vous dit, elle a réussi, elle vit bien là-bas, elle est belle, elle a un teint magnifique. Par exemple, ils pensent que moi, avec mon mari, j'ai tout l'or du monde, ils ne savent pas combien je bosse. C'est ça le raisonnement africain. Moi, par exemple, quand j'arrive en Afrique, je ne peux pas leur dire que j'ai des problèmes. [...] Épouser un blanc, c'est le symbole de la réussite.

Quand elle utilisait régulièrement des produits éclaircissants, Aminata était blanche de la tête aux pieds. Je vous le dis, c'était une drogue, parce que je ne voulais pas que les gens sachent que je mettais de la crème

Et puis un jour, elle a tout expliqué à son mari qui disait partout qu'elle était métisse. Elle décide d'arrêter, avec beaucoup de difficultés... Il faut avoir un moral d'enfer pour pouvoir arrêter. Il faut se dire je vais arrêter pour être moi-même. Pas pour les autres, ce n'est pas le regard des autres qui compte. L'important, c'est de se sentir bien soi-même.

Micro-trottoir dans le quartier de Château-Rouge

"Tout le monde utilise de l'éclaircissant. Il y a les Antillaises, les Zaïroises, les Sénégalaises, les Françaises, les Arabes, toutes les races. Il y en a partout ici, mais en fait, ils n'en donnent qu'aux habitués, donc, ils les cachent car ce sont des produits qui sont trop forts !"

"Moi, je dis que c'est du n'importe quoi. Pour connaître la vérité, il faut que l'on prenne ces tubes et qu'on les donne aux grands laboratoires pour faire des tests, et on verra que ce n'est pas à base d'acide de fruits ! Au bout de une semaine, la femme black qui l'utilise devient blanche, ça ne peut pas être à base d'acide de fruits !"

"Je suis Sénégalaise, je vois les femmes au Sénégal, elles le font parce que les bijoux ressortent mieux, et certaines couleurs ressortent mieux aussi. Mais au fond, elles restent culturellement africaines."

"Les femmes noires se disent : si je suis claire, j'aurais un mec qui va m'aimer, m'apprécier. Il y a beaucoup de célibataires qui se disent que c'est un filon pour pouvoir trouver un mec."

"Les blacks qui mettent ça, ça laisse des taches noires sur la peau. Est-ce que c'est cancérigène, je ne sais pas, mais ça a des effets néfastes sur la peau."

Sur les docks
53 min

Pour aller plus loin

Première diffusion : 27/11/2007

  • Reportage : Johanna Bedeau
  • Réalisation : Marie-Laure Ciboulet et Anne-Laure Chanel

Merci à Ina Bokoum, Yayé Diawara, Aminata M'Baye, et au docteur Khady Bizet, dermatologue.

Chanson de fin : " M'Bifo" par Rokia Traoré - Album : "Bowmboï" (2003).

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