Waël est un enfant de Vaulx en Velin, dans la banlieue lyonnaise. Il vit comme un roi dans sa cité, entre famille, copains et son collège classé ZEP. Étudiant brillant, puis employé modèle et ambitieux, Waël a fait un beau parcours… Jusqu’à un certain confinement de mars 2020.
Waël a 29 ans, il habite au Kremlin-Bicêtre, dans la proche banlieue du sud de Paris. Petit dernier d'une famille de 3 enfants, il est originaire de Vaulx-en-Velin, une ville populaire de la région lyonnaise où il dit n'avoir jamais manqué de rien.
D'un milieu populaire, fils d'immigré, mes parents ont été intransigeants, très exigeants sur le travail, on se devait de réussir à l'école.
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Je me souviens que ma mère nous obligeait tous les week-end à passer à la bibliothèque municipale pour choisir au moins un livre qu'on devait lire par semaine
Dans un collège ZEP, sa passion est le foot dont il caresse le souhait de faire un métier, et son décor quotidien est celui d'une certaine violence.
Etre journaliste sportif, parcourir la France et l'Europe pour assister au matchs, c'est la seule flamme qui brûlait en moi à l'époque.
Arrivé dans un lycée bénéficiant d'un partenariat avec Science Po Paris, un professeur l'incite à tenter le concours ce qu'il fait. Il réussit les examens d'entrée.
Ma mère m’a dit tu sais, c'est l'école où passent tous les présidents, tous les grands de ce monde… Et je me suis dit, pourquoi pas ?!
Le jour de l'annonce des résultats, mon père s'est mis à danser, chanter et taper dans les mains.
En arrivant à Science Po, j'ai pris une claque. J'étais devenu minoritaire, je n'étais plus comme les autres.
Le premier jour, j'ai fait un tour aux toilettes et j'ai vu un tag du genre "dehors les arabes".
Pendant ces premières années dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, il n'a à peu près aucun rapport avec les élèves, qui n'étaient pas issus des programmes dits de "discrimination positive".
Après Science Po, Waël commence une carrière dans le conseil en management dans un cabinet américain où il gagne aisément sa vie dans un environnement "jeune et dynamique", "qui pousse à la performance", à la "concurrence" en place dans les zones d'éducation prioritaire, les CEP.
Je voulais grimper les échelons sans me poser de question. Quand une entreprise faisait appel à moi pour faire des plans de licenciement ou "off-shorer", ma seule préoccupation était de savoir si mon client était satisfait de ma prestation, je n'avais aucun état d'âme.
A 25 ans, Waël se retrouve manager, il gagne 3700 euros par mois, pour sa plus grande joie. Avec son épouse, ils profitent d'une vie culturelle et sociale riche. Seulement, au bout de quelques années, il commence à déraper mentalement.
Je n'arrivais plus à freiner, j'étais toujours à fond, corvéable à merci, obsédé par le travail et ses angoisses. Je suis rentré dans une spirale anxiogène. J'étais un objet qui raisonnait à partir des tâches à accomplir. J'avais intériorisé l'idée de la productivité.
Il réalise alors que le niveau de salaire et le prestige social ne fait pas tout. En mettant en perspective ses aspirations personnelles et le prestige de son poste, il se rend compte que ce mode de vie ne le satisfait pas pleinement. Le confinement, en mars 2020, le mène à se poser des questions : si sa vie devait s'arrêter demain, qu'est ce qu'il laisserait derrière lui ?
Quand on se retrouve seul après de longues journées de travail, on se pose des questions :
Est-ce que c'est vraiment ce que tu veux faire toute ta vie ? Est ce que tu as réellement envie de ne pas te poser la question du sens de ton travail ?
C'est alors que Waël prend la décision de démissionner pour changer de carrière, il se tourne vers l'éducation.
Pendant l'été 2020, avec l'appui de ses proches et grâce au soutien de l'association Le choix de l'école, il se forme à devenir professeur de français et de latin, métier qu'il exerce aujourd'hui avec passion dans un collège REP (Réseau d'éducation prioritaire) de Créteil.
J'ai divisé mon salaire par deux, et même s'il y a des mois où on va se serrer la ceinture, on est plus heureux qu'avant.
Après quelques mois d'enseignement, il prend conscience de sa vocation. Enseigner la littérature à des élèves a pour lui beaucoup plus de sens que de vendre des solutions à des entreprises du CAC 40.
Reportage : Sophie Simonot
Réalisation : Emmanuel Geoffroy
Chanson de fin : "Maybe" de Sick Puppies" Album : Tri-Polar, Label : Virgin, 2011
Merci à Waël et à Anne Destrait de L'association Le choix de l'école, merci à Manon et à Hélène ainsi qu'à tous les anciens étudiants des grandes écoles ayant basculé vers une autre vie, contactés pour préparer l'émission.
L'équipe
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