En Bretagne, Isabelle s'insurge contre un projet de poulailler industriel qui menace sa ferme bio et les escargots de Quimper. A l'autre bout de la France, à Cerbère, la viticulture devient difficile, alors les habitants expérimentent d'autres cultures, comme celle du cactus !
A Langoëlan dans le Morbihan, Isabelle Villette a mené une lutte contre un poulailler industriel qui devait être construit en face de sa ferme biologique. Elle a mis en lumière les atteintes à l'environnement de ce projet, jusque-là méconnues, et notamment la dégradation d'une espèce protégée : l'escargot de Quimper. Son combat va faire jurisprudence.
A Cerbère, petite commune viticole des Pyrénées-Orientales frappée par le changement climatique, François, Boris, Sylvie et d'autres habitants ont décidé de développer une filière locale de transformation de cactus alimentaire, ressource présente sur place depuis des siècles, mais qui a longtemps été ignorée ou considérée comme invasive et nuisible.
Une victoire inattendue
Isabelle Villette n’a pas été prévenue qu’un poulailler industriel allait être construit juste en face de sa ferme, pourtant labellisée bio. Un poulailler de quatre mille mètres carrés de poulets de chair, qui va rejeter de l’ammoniaque et des anticoccidiens — un traitement antiparasite — sur les abeilles et les légumes de l'agricultrice bio.
"Mon sang n'a fait qu'un tour. C'est la mort de la ferme." Isabelle
Quand Isabelle se plaint à la mairie, on lui ment, on évite le sujet. Il est trop tard pour s’opposer au projet, subventionné par le Conseil Régional et lancé à l’échelle de la Bretagne entière, sans consulter les voisins des futures usines à poulets. L’enquête publique donne le feu vert aux travaux.
La seule solution qui s’offre alors à l'agricultrice, c’est la mobilisation populaire, à travers une pétition. La résistance s’organise contre l’industrie agro-alimentaire qui tente de s’installer dans la région : Isabelle, son avocat et des associations qui la soutiennent portent l’affaire devant le tribunal administratif de Rennes. L’argument décisif, qui va peut-être faire pencher la balance en sa faveur : un gastéropode de douze millimètres, placé sous protection depuis 1979.
"Tout est bon dans le cactus !"
François Schneider, Boris Igonet et Sylvie Feuillassier font partie d’une association toute récente, nommée Cerbère Cactus. Leur histoire étonnante part d’un constat simple : alors que la culture du raisin banyuls est de plus en plus difficile à cause du changement climatique et de l’augmentation des prix, l’"Opuntia ficus-indica", le figuier de Barbarie, pousse partout dans les Pyrénées-Orientales, et se vend à prix d'or. Si le kilo de raisin s'achète à un euro vingt, le kilo de cladodes, lui, se vend à dix euros - eh oui, on ne dit pas "feuille" pour les cactus, mais bien "cladode". C’est une nouvelle perspective qui s’ouvre pour les habitants de Cerbère. Pour Sylvie, “le cactus, c’est l’avenir de ce pays”. Vous pouvez entendre son témoignage ci-dessous, en bonus :
Sylvie est bénévole dans l'association Cerbère Cactus. Elle raconte.
7 min
Pour ses défenseurs, la liste des bienfaits du figuier de Barbarie n’en finit pas. Le cactus se transforme en légume, en pâte de fruit, en café, en farine, en tisane, en shampoing, en savon, en huile, en crème cicatrisante, en purificateur d’eau, et même en boisson alcoolisée… De plus, sa culture permet de réduire le ruissellement et donc l’érosion de la côte, et de créer une zone de pare-feu. Même ceux qui, au village, ne voyaient le cactus que comme un envahisseur, une espèce invasive, commencent à changer d'avis. Il suffit de goûter un jus de figue sauvage sur le marché de Cerbère pour reconnaître que ce n’est pas une si mauvaise idée.
"Le but de l'association, c'est de développer la culture des cactus dans nos potagers, pour les regrouper et les vendre en commun." Boris
Merci à Isabelle Villette, François Gendre, Annie Mouret, et Alexandra. Merci à François Schneider, Boris Igonet, Sylvie Feuillassier, Jean Lejeune et tous les autres membres de Cerbère Cactus.
Reportage : Inès Léraud
Réalisation : Emmanuel Geoffroy
Pour aller plus loin :
- Les poulaillers industriels en Bretagne :
- La page Facebook du collectif contre les poulaillers de Langoëlan.
- Morgan Large, "Une bourgade bretonne résiste à la construction de poulaillers géants", Reporterre, 26 octobre 2019.
- Caroline Trouillet, "Quand l’argent public finance de très controversés élevages industriels de poulets", Basta !, 14 janvier 2020.
- L'association "Cerbère Cactus" :
- La page Facebook de l'association.
- Le programme de la fête du Cactus.
- Michel Bernard, "Can Decreix, un centre pour améliorer les alternatives décroissantes", Silence n°441, janvier 2016.
- Yves Le Flem, "À 26 ans, elle crée sa marque de jus de figues de barbarie", Le Progrès, 30 novembre 2021.
Chanson de fin : “This side of me” de Matthew Finch.
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