La plus belle nuit de ma vie

Jeune femme regardant par la fenêtre, de nuit
Jeune femme regardant par la fenêtre, de nuit ©Getty - Cyndi Monaghan
Jeune femme regardant par la fenêtre, de nuit ©Getty - Cyndi Monaghan
Jeune femme regardant par la fenêtre, de nuit ©Getty - Cyndi Monaghan
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Vous souvenez-vous d’une nuit qui vous a marqué, transformé à jamais ? Trois personnes nous livrent ce souvenir placé sous un ciel noir, à différents endroits de la terre. Des histoires de renaissance et de plénitude.

Vous souvenez-vous de la nuit où l'homme a marché sur la Lune pour la première fois, le 21 juillet 1969 ? C'est là une de ces nuits magiques, miraculeuses, de celles qu'on n'oublie pas. Nos trois témoignages, ceux de Dominique, Sylvia et Anne-Sophie, sont de cet ordre, ce sont trois histoires nocturnes et intimes, poétiques et oniriques.

Dominique ou la nuit de la guérison

Dominique a vécu la plus belle nuit de sa vie le 7 mars 2007 en Inde. C'est la nuit où elle a compris qu'elle était guérie de sa maladie, d'une longue maladie qui l'avait fait souffrir pendant 28 ans.

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J'adore la nuit. La nuit est pour moi un moment de protection, la nuit nous fait du bien, parce que déjà, quand j'étais toute petite, on regardait beaucoup les étoiles. Je suis née sur l'île de Madagascar, et on regardait toujours la nuit les étoiles avec ma grand-mère. Dominique

Dominique a une histoire familiale compliquée. Elle n'a jamais connu son père, et est confiée par sa mère à sa grand-mère, qui l'élève. Quand sa mère déménage en France, Dominique la suit, et s'installe à Limoges à quatorze ans. C'est à ce moment-là que commence sa maladie, une forme d'anorexie causée par une grande angoisse et une grande solitude, car sa mère s'occupe très peu d'elle.

A 22 ans, elle quitte Limoges pour venir vivre à Paris. Plusieurs personnes lui conseillent d'aller en Inde, pour découvrir le pays d'où est originaire son père, ce père qu'elle n'a jamais connu. Elle finit par décider de partir pour l'Inde, seule, et sans aucune appréhension. Elle se rend dans le nord de l'Inde.

Je suis arrivée, il était deux ou trois heures du matin, il faisait nuit, et il y avait beaucoup de chants dans cette petite ville, on entend beaucoup les chants sacrés, et cette nuit-là, j'étais [...] très calme, alors qu'habituellement, dans ma maladie, j'étais assez agitée [...]. Quelque chose qui me dit [...], cette petite voix à l'intérieur : "Ne t'inquiète pas, mon enfant, [...] tu es en sécurité, tout va bien." J'ai l'impression d'être légère, très, très légère. Je regardais les étoiles, j'étais là, assise, et j'avais l'impression d'une nouvelle naissance. Dominique

Le lendemain, à son grand étonnement, Dominique se remet à manger normalement, et retrouve son appétit. Elle reste trois semaines en Inde, et y découvre une plénitude, une paix intérieure qu'elle n'a jamais ressenties.

C'est comme si la maladie, ma maladie, avait quitté mon corps. [...] J'avais retrouvé cet appétit de cet enfant de l'âge de quatorze ans qui faisait énormément de sport et qui mangeait beaucoup, [...] retrouvé cette quintessence de la petite fille que j'étais, joyeuse, pleine de vie. [...] Ce qui m'a guéri, c'est [...] le fait de me sentir en sécurité. Là-bas, je n'ai eu que des regards d'amour, de bienveillance. [...] J'avais l'impression d'être remplie à l'intérieur de moi. Dominique

Sylvia ou la nuit des papillons 

Sylvia est d'origine italienne, mais elle a vécu à Tunis quand elle était enfant. Un jour, elle a quatre ans, sa mère achète au marché des chrysalides qui doivent s'ouvrir à la nuit même. Avec ses frères et sœurs, Sylvia décide d'attendre le moment où les papillons vont sortir. Son frère et sa sœur s'endorment, mais Sylvia résiste au sommeil.

Je me souviens très bien du changement de la lumière dans la nuit, et, tout à coup, le début de l'aurore, c'est-à-dire cette lumière qui n'est plus exactement la nuit, d'un bleu blanc, d'avant l'aube, et le bruit des chrysalides. [...] Et puis, effectivement, on peut voir le papillon sortir de sa chrysalide, et partir, attiré par la lumière, s'envoler presque aussitôt. Sylvia

Sylvia est intensément marquée par cette nuit unique, ce moment vécu juste avant l'aube, qui pour elle symbolise le mouvement cyclique des naissances et des renaissances.

La lumière du jour, c'est une espèce de blancheur, et vous ne pouvez vraiment pas dire si c'est la fin du jour ou le début du jour. C'est le fond de notre humanité, cette lumière. [...] J'ai toujours pensé que, avec la nuit, quelque chose peut naître. On renaît chaque jour grâce à la nuit. Sylvia

Aujourd'hui encore, Sylvia aime travailler la nuit, jusqu'à l'aube.

J'essaie de me permettre ça au moins une fois ou deux fois dans la semaine, de tenter de traverser la nuit et arriver à l'aube. Je pense que le repos est véritablement mérité, seulement lorsqu'on a traversé tous les bleus de la nuit, et qu'on arrive à cette lumière blanche d'avant l'aube qui nous permet véritablement de nous reposer.  Sylvia

Anne-Sophie ou la nuit des retrouvailles

A l'époque où se passe cette histoire, Anne-Sophie vit en Afrique. Pour elle, la nuit inoubliable est celle où elle a pris l'avion pour la Californie, pour retrouver l'homme qu'elle aimait.

Je savais qu'au bout de cette nuit, je le retrouvais, et que, au cours de cette nuit, j'allais traverser des mondes qui étaient finalement tous les mondes que lui-même m'avait donnés quand je l'ai rencontré, il incarnait ces mondes. Anne-Sophie

Anne-Sophie se souvient avec émotion de cette relation, dont elle sait aujourd'hui que "c'est [s]on grand amour", "un vrai amour", une relation "belle", "complète", accomplie, et pleine d'"intensité".

Il m'a reconnue tout de suite, et il m'a prise pour tout ce que je suis, aussi bien les fragilités que les forces. D'emblée, je savais que je pouvais être pleinement moi, sans que ce soit peut-être quelque chose qui se retournerait contre moi, c'est-à-dire je sentais que je n'avais pas besoin d'avoir de défenses. Je crois que j'ai été dans cette nudité-là avec lui, sans crainte. Anne-Sophie

Anne-Sophie prend l'avion, dans "un état d'impatience" et d'"appréhension". Elle craint en effet de retrouver son amoureux après des mois de séparation pour finalement découvrir que ses sentiments ont changé.

Chaque heure de cette nuit me rapproche un peu plus du grand bonheur qui est de le retrouver, et donc je suis dans cette montée de l'impatience, cette montée de l'excitation qu'il y a à se dire : au bout de la piste, je vais le voir, je vais être dans ses bras. [...] C'est une nuit où progressivement, je me rapproche de lui. C'est la nuit qui précède le grand bonheur. [...] C'est la plus belle nuit. C'est l'amour qui fait faire ça, l'amour fait traverser la terre. Anne-Sophie

Reportage : Elise Andrieu

Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Merci à Dominique, Sylvia, Anne-Sophie, ainsi qu'à Yvonne, Véronique, Florence, François. Merci aussi à l'auditeur qui avait soumis l’idée des plus belles nuits !

La chanson de fin est "Rambling man" de Laura Marling.

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