Leur travail est essentiel, et pourtant, ils ont failli être expulsés de France. Lydia est aide-soignante en CDI dans un Ehpad, Laye est apprenti-boulanger et Severin, lui, est apprenti-charpentier. Des modèles d’intégration, selon leurs patrons.
Ils sont venus vivre en France, ils travaillent, ravissent collègues et patrons, et exercent des métiers dits essentiels depuis la première vague de la Covid — mais pas assez pour pouvoir rester.
C’est le cas de Lydia, infirmière diplômée originaire du Bénin. Elle est aide-soignante dans un Ehpad en Isère depuis août 2019.
J’adore la blouse blanche, j’adore être au service des personnes. Soigner, c’est apporter quelque chose à un être humain. C’est une vocation pour moi, un métier que j’adore.
La pandémie a naturellement eu beaucoup d’effet sur son travail. Son Ehpad n’a pas été épargné par la seconde vague : à la peur s’est ajouté le stress. Néanmoins, la force, le courage et l’empathie dans l’accompagnement des personnes âgées l’ont portée :
Les liens qu’on tisse avec ces personnes sont forts. Quand, du jour au lendemain, on ne l’a plus, on perd notre père ou notre mère. C’est fort.
Depuis octobre 2020, la jeune femme est en CDI. Comme tous les soignants, elle a touché la prime Covid. Son titre de séjour, qu’elle a obtenu grâce à son mari désormais décédé, arrive à expiration. Alors qu’elle demande son renouvellement, la préfecture la déboute : elle a trente jours pour partir.
On m’a dit : « allez, sortez », comme si je n’étais rien du tout. « Dégagez. » J’ai senti que j’étais seule. […] J’ai tout laissé, tout plaqué pour venir. J’ai fait des années d’études, j’ai travaillé, mais j’ai tout laissé pour suivre mon homme.
Un choc. Lydia entame alors des démarches avec son avocat, en réunissant tous les documents officiels qu’elle possède et qui prouvent son intégration. En parallèle, elle garde le silence auprès de collègues qui finissent par découvrir le pot-aux-roses : Lydia doit partir. Une grande vague de tristesse saisit l’Ehpad, qui se mobilise pour la soutenir...
Stéphane, lui, est boulanger à Besançon. L'État lui demande de renoncer à son apprenti modèle, qu'il a recruté en 2019 au milieu d’autres candidats immigrés :
Parmi eux, il y avait Laye, qui est arrivé avec sa bouille d’ange et son grand sourire. Et je me suis dit que ce gamin-là avait un potentiel. On a gratté, et on est arrivé à une petite pépite d’or.
Arrivé en France alors qu’il était un mineur isolé, Laye est un apprenti talentueux. À sa majorité, les gendarmes viennent annoncer au foyer qui l’héberge qu’il doit rentrer en Guinée. Face à cette nouvelle, Stéphane est confus, mais questionne surtout l’État :
On donne une chance à des gamins, on leur propose un rêve : avoir un métier, une famille peut-être, etc. En fait, l’État casse le rêve : on dit liberté, égalité, fraternité. La fraternité, elle est où ? Je ne la vois plus là. Ça m’a révolté.
Pacifiste, Stéphane prend les devants en entamant une grève de la faim. Des voix émergent, des patrons dans une situation similaire le contactent, des travailleurs lui apportent leur soutien. Laye ignore tout, jusqu’au moment où il découvre l’ampleur de la mobilisation autour de son histoire.
Une situation semblable à celle que connait Philippe, gérant d’une SARL depuis deux décennies. À 61 ans, ce patron pyrénéen est sensible au dévouement de Stéphane. Son apprenti, Séverin, est dans la même situation que Laye. Originaire de Guinée, il a lui aussi connu un parcours difficile. Philippe voit toutefois en lui une révélation :
Quand on part sur des chantiers, je vois Séverin dire bonjour à plusieurs personnes. Et c’est révélateur de son « intégration ». […] Il fait partie de la famille, tout le monde l’apprécie. Il est adorable.
Entre les deux hommes, la confiance règne. Une relation amicale s’installerait presque. Mais Séverin n’a pas de papiers : il est menacé d’expulsion. Une perspective qui n'est pas sans déstabiliser son patron.
Reportage : Elodie Maillot
Réalisation : Cécile Laffon
Mixage : Dofar Guérid
Merci à Maître Didier Besson, Corentin, Claire et Mathieu, Véronique Houdin et Françoise Coulloux, qu’on ne cite pas assez et qui veille à l'administration des PST depuis des années avec un grand professionnalisme.
Musique de fin : "In This Shirt", The Irrepressibles - Album : From the Circus…To the Sea, 2008 - Label : Of Naked Design Recordings.
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