Naître et mourir au temps du covid

L'hôpital Delafontaine
L'hôpital Delafontaine ©AFP - Joël Saget
L'hôpital Delafontaine ©AFP - Joël Saget
L'hôpital Delafontaine ©AFP - Joël Saget
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Au temps de l'épidémie, l'hôpital continue d'être ce lieu où se jouent et défilent les étapes de la vie. A l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis comme ailleurs, les soins ont été perturbés: donner la vie dans une maternité ou s'occuper des défunts dans une chambre mortuaire, de nouvelles contraintes

Mourir au temps du covid

Nous nous retrouvons dans une chambre mortuaire située au fin fond de l'hôpital Delafontaine. Comme beaucoup de ces chambres en France, elle se trouve à proximité d'un dépôt de déchet. Pour les patients décédés du covid, la jauge de visiteurs de la dépouille est réduite à deux personnes.

- Brigitte est cadre supérieure de santé. Formée à Saint-Denis, où elle a travaillé comme infirmière en neurologie, elle a aujourd'hui sous sa responsabilité l'unité de soins palliatifs. 

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En mars, débordés par le nombre de décès, nous étions obligés de mettre les cercueils dans des camions réfrigérés. Elle a été contrainte, saturée par le taux de mortalité dans le site secondaire de l'hôpital, de faire appel à des volontaires avec qui elle a été amenée, bien en dehors de ses fonctions, à faire des mises en bière elle-même.

Il était difficile de cacher, malgré les bâches, ces camions mortuaires aux résidents de l'hôpital.

J'ai été amenée, sur la demande des familles, à transgresser certaines règles. C'est aussi notre métier de les accompagner jusqu'au bout.

Elle raconte les grandes difficultés, celles auxquelles elle ne s'attendait pas, mais aussi les moments de solidarité des soignants et des professions qui ont gravité autour le la lutte contre l'épidémie de covid.

Naître au temps du covid

- Aurélie Beaumier a 38 ans. Déjà mère d'une fille de cinq ans, elle attendait en 2020 un petit garçon, nommé Gaspard, avant que le covid ne se déclare. Malgré la prudence dont ils font preuve avec son compagnon, elle est déclarée positive à quelques jours du terme de sa grossesse.

L'accouchement ne va donc pas se dérouler comme prévu, privée de la présence du père, interdit d'entrer dans la maternité pour cause de fièvre.

La sage femme m'a aidée à me concentrer, à oublier tout ce qu'il y avait autour, à vivre ce moment normalement.

J'avais mon fils à côté de moi mais, à cause du masque, je ne le voyais pas bien. Ce qui devait être un moment heureux a été un peu gâché.

Dès la naissance, son fils étant potentiellement positif, il ne peut être placé avec les autres nouveau-nés et Aurélie doit, malgré la fatigue, passer la nuit seule avec lui. De retour à la maison, toute la famille doit rester prudente pendant un temps pour protéger le bébé.

Je n'ai pas pu embrasser mon fils avant ses 3 semaines.

Radiographies du coronavirus, la chronique
4 min

Merci à Brigitte Reidon, Hayat Hebib, Aurélie Beaumier, Sara Piazza et Martine Mabiala-Moussirou.

Reportage : Judith Chetrit 

Réalisation : Clémence Gross

Chanson de fin : "Resonant Body" de Maggie Rogers, Album : Notes from the archive, Label : Debay Sounds, 2020