

Les objets sont des lieux de mémoire. Ils renferment une partie de nous. Certains, des fétiches, sont plus importants que d'autres. Une fille et un fils parlent de l'objet qui les lie à leur mère.
- En 2012, Kab quitte son pays, le Sénégal, pour tenter de trouver une vie meilleure ailleurs. À l’annulaire de sa main droite, il a une bague, offerte par sa mère peu avant son départ. À travers ce bijoux, Kab se dit que sa mère l’accompagnera pendant tout son périple. Et pendant toute sa vie aussi : Il a prévu de la léguer à ses enfants plus tard, et de faire de cet objet un totem sacré, porteur d’une histoire, d’un visage, d’un nom.
Cette bague était l’objet le plus précieux que j’avais. Quand je la vois elle me rassure, elle me donne de l’audace, de l’ambition, elle m’aide à savoir qui je suis. Kab
Publicité
Avec cette bague ma mère est toujours avec moi, je n’ai pas besoin de photo. Kab
Mais sa migration en décide autrement.
Arrivé en Libye, Kab et tous les autres hommes qui partagent sa route se font fouiller par les passeurs. En plus des sommes faramineuses que les voyageurs ont déjà payées, les passeurs leur volent tout ce qu’ils ont sur eux. Alors que son tour approche, Kab a juste le temps de se dire qu’ils n’auront pas la bague de sa mère. Qu’il ne leur laissera pas ce joyau. Par terre, dans le sable, il creuse un trou et l’enterre.
Quand j'ai mis la bague dans le trou, j'ai eu l'impression d'enterrer ma mère. Kab

- Charlotte perd sa mère à l’âge de 14 ans. En vidant sa maison avec des amies, dans un placard en bazar, la jeune fille découvre un sac rempli de cassettes audio. Elle se souvient alors qu’avant sa mort, sa mère s’était offert un magnéto sur lequel elle enregistrait sa vie : ses états d’âme, ses pensées, ses filles qui grandissaient… Charlotte met la boîte de côté. Elle sait qu’elle est infiniment précieuse mais ne se sent pas encore prête à se plonger dedans. Entre les allers-retours foyers / familles d’accueil, elle doit devenir une adulte très vite : poursuivre ses études, s’occuper de sa petite soeur, vivre sa vie, malgré tout.
À 18 ans, alors qu’elle devient une jeune femme, Charlotte ouvre la boîte. Elle veut se remémorer son enfance envolée, trouver des réponses à ses multiples questions : d’où vient-elle, et comment c’était avant, quelle enfant était-elle, et sa mère, quelle femme c'était ? Cette première écoute la bouleverse et Charlotte réalise qu’elle a entre ses mains un trésor qui lui permet de faire le lien avec son passé. Depuis, à chaque fois qu’elle traverse un moment difficile, Charlotte sort une cassette de la boîte. Et la magie opère souvent : à travers la bande son, la mère de Charlotte lui parle. Presque comme si elle était encore là.
Quand je me plonge dans ces cassettes j’ai besoin d’être toute seule, ça me remue, je mets du temps à m’en remettre. Charlotte
Ma mère n’est plus là mais on est liées. Elle a continué à répondre aux questions que je me posais après sa mort. Charlotte
Ces cassettes représentent toute mon enfance. C'est les questions qu'elle se pose de mes 5 ans à sa mort. Charlotte
- Reportage : Alice Babin
- Réalisation : Emmanuel Geoffroy
Merci à Kab, Charlotte et Camille.
Chanson de fin : "Evil Is" par Mid Ayr - Album : Mid Ayr
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme", extrait des Harmonies poétiques et religieuses de Lamartine.
L'équipe
- Production
- Production
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation
- Production déléguée