Emna Charki est une jeune femme tunisienne de 27 ans, sans histoire, vivant avec sa mère et son chien dans le centre de Tunis. Jusqu’au jour où elle poste sur Facebook un texte évoquant le Covid 19 qui parodie un verset du Coran.
Emna a 28 ans. Il y a quelque temps, elle vivait encore avec sa mère dont elle avait la charge. Elle avait pour principe, sur son Facebook qui compte 28 000 abonnés, d'aborder sans peur les sujets tabous, politiques et religieux.
Parmi mes abonnés, il y a ceux qui m'aiment, qui partagent mes avis et ceux qui me menacent de mort.
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Un jour, amusée par une publication qui incite à la prudence vis à vis de l'épidémie du coronavirus en parodiant un verset du Coran, elle décide de le partager sur son mur. Ce statut, advenu pendant le ramadan, a été grandement relayé et a suscité une vague de haine. Une célébrité a même évoqué, sur son compte Instagram très suivi, l'idée de l'emprisonner et de la tuer.
Quand Emna reçoit la convocation de la police, elle prend peur mais décide de publier ce courrier sur Facebook pour aller au bout de sa démarche de revendication de la liberté d'expression. Elle s'entoure, pour l'interrogatoire, d'un avocat bénévole.
A l'interrogatoire, après 10 ans de révolution et de liberté, je me suis crue dans un pays comme l'Iran ou l'Arabie Saoudite.
Ils voulaient me voir pleurer, demander le pardon et ils on vu une personne athée et qui a confiance en elle. Ils m'ont dit que je n'étais pas libre, qu'ils allaient me faire payer et que ça servirait de leçon à tout le monde.
Pour son premier procès, qui était devenu une affaire de combat pour les libertés, elle est entourée de onze avocats bénévoles et, devant le tribunal, une foule de manifestants témoignaient de leur soutien. Elle fait alors face à une juge niant son existence, refusant de l'interroger, s'opposant à l'expression de toute forme de défense. Cependant, grâce à la médiatisation du procès et dans ces conditions, il a pu être reporté.
Je ne sors plus dans la rue sinon pour aller au tribunal ou pour voir mes avocats.
Emna continue d'être menacée de mort chaque jour sur les réseaux sociaux...
Elle et ses avocats ont le sentiment que son deuxième procès s'était bien passé. Pourtant, au moment du verdict, elle apprend être condamnée à 6 mois de prison ferme.
Je n'ai plus d'avenir ici. On est dans un pays corrompu, où il n'y a pas de liberté d'expression. On n'a pas fait la révolution.
Si je fais appel, ils vont encore me mettre en prison. J'ai compris que je devais quitter mon pays. J'ai pris mon visa et je suis partie pour l'Europe.
Je vis en cachette. Si je remets les pieds en Tunisie, j'irai directement en prison. Mais je ne vais pas renoncer à mes principes, je vais continuer à donner mon opinion et à me battre pour la liberté d'expression.
Reportage : Emilie Chaudet
Réalisation : Emmanuel Geoffroy
Merci à Emna Charki, Lilia Blaise
Chanson de fin : "Sinia" par Hamza Namira et Autostrad, Label: Alaraby TV, 2018
Il y a dix ans, nous avions déjà les yeux rivés sur la Tunisie :
Une série de sept épisodes à propos de la révolution Tunisienne par Charlotte Bienaimé.
Tunisie : Tenir la Révolution
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