Pierre est un jeune secouriste à Sallanches. Un après-midi, il est mobilisé pour secourir deux personnes tombées dans une crevasse. Dans l'hélicoptère, il ne sait ce qui l'attend. Blaise est lui commandant à Chamonix : un jour, deux jeunes alpinistes disparaissent. Commence une périlleuse mission...
Pierre est médecin urgentiste. Il y a sept ans, en 2013, il effectue sa première saison à Sallanches. Un jour, il reçoit une alerte pour une chute dans la Vallée blanche, en Haute-Savoie.
Deux personnes sont passées au travers d’un trou de neige. On n'a plus de contact verbal avec eux. Plusieurs choses passent par la tête : ça peut faire 30 à 40 mètres de profondeur…
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Le stress commence à saisir Pierre, qui s’apprête à affronter sa première crevasse. Avant même d’arriver sur les lieux de l’accident, il prend conscience de cette situation exceptionnelle. Beaucoup de personnes peuplent le décor de cette scène saisissante :
On voit des gens qui sont sidérés, d’autres qui pleurent, et il faut alors mettre des oeillères, ne pas faire attention à tout ça.
Parmi les deux personnes à secourir, bloquées à plus de trente mètres, une seule répond. Un premier secouriste descend, appelant Pierre à l’aide. Le médecin descend avec pour seul appui son kit de secourisme. La crevasse, très exiguë, retient une personne en arrêt cardiaque :
Tout est compliqué : déshabiller la personne pour trouver une veine, compliqué ; l’allonger pour la mettre à plat, compliqué.
C’est alors que Pierre effectue une manœuvre difficile, rendue presque impossible par les conditions : une thoracotomie. Cependant, l’état de la crevasse empire peu à peu alors que la fatalité a déjà frappé...
Je me demande si c’est bien raisonnable de faire tous ces gestes ici. Je demande au secouriste l’heure, et sans m’en rendre compte, ça fait déjà 30 minutes qu’on est au coeur d’une crevasse, avec semble-t-il une personne décédée.
Avec le recul, Pierre considère cette première expérience comme "extrêmement forte et intense". Toutefois, en remontant la crevasse, le temps se gâte et la journée n'est pas terminée : le médecin doit repartir pour une autre urgence. Cette fois-ci, il s'agit d'une jambe cassée. Et l’atmosphère est bien différente :
Moi j’aime bien travailler en musique : je mets du Bob Marley sur mon iPhone, donc il y a une ambiance assez calfeutrée, intimiste, notamment au moment où l’on injecte des drogues pour soulager la fracture.
En 1998 ou 1999, Blaise prend la direction d’une équipe de gendarmes spécialisés dans les interventions en haute altitude. Il est jeune et peu expérimenté. Il reçoit un jour un appel d’urgence : deux alpinistes anglais, qui franchissent la face nord des Droites dans le Mont Blanc (voies aussi difficiles que connues), ne donnent pas signe de vie depuis quelques heures.
Alors que son équipe s’apprête à intervenir, la météo, qui se dégrade, inaugure une périlleuse mission :
Et tout à coup, le vent emporte l’hélicoptère : le secouriste au bout du câble à 25m se fait « dégueuler », emporter par le vent dans la grande pente.
La nuit tombe et les alpinistes sont encore pris au piège. Les gendarmes attendent ce qu’on appelle la « fenêtre météo », cette petite éclaircie qui permettrait une nouvelle tentative de sauvetage. Mais elle ne vient pas.
C’est presque le pire que de ne pouvoir rien faire, pour une équipe de sauvetage.
C’est à ce moment que surgissent les difficultés, les questions cornéliennes et les dilemmes moraux :
Il y a la tentation du renoncement. Mais il faut toujours aller au bout de la démarche : chaque opération de secours est une histoire à part entière, et on a le devoir moral d’aller le plus loin possible.
Au bout d’une semaine, les secouristes courent le risque d’une méthode aussi peu traditionnelle que dangereuse : utiliser une corde longue de 100 mètres. Pour Blaise, l’espoir justifie le risque :
C’était essentiel, selon moi, d’aller au delà des règles et protocoles, car on pressentait qu’il était possible de sauver une vie ou deux…
Cette mission laisse de grandes traces chez les secouristes et Blaise, notamment son issue tragique et, malgré tout, remplie d'humanité.
C’était la première fois que je touchais un mort. Je n’étais pas du tout prêt pour cela. J’en ai encore un souvenir extrêmement précis, quelques années après. C’est une jeunesse, une vie qui vient de s’éteindre qu’on accueille dans ses mains.
Reportage : Sophie Guignard
Réalisation : Clémence Gross
Mixage : Fabien Capel
Merci à Blaise Agresti, Pierre Pili et Valérie Borst.
Musique de fin : "Olsen Olsen", Sigur Rós - Album : Ágætis Byrjun, 1999 - Label : Krunk
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