Pendant le couvre-feu, les rues sont censées être désertes. Mais sur les routes, les phares continuent d'éclairer l'asphalte des villes et campagnes. Des rencontres au fil de la nuit, au restaurant routier ouvert pour accueillir ses camionneurs, et à bord d’un bus parisien qui s'éloigne en banlieue.
Pendant le couvre-feu, la plupart des rues sont désertes. Au fur et à mesure que les heures passent, il y a de moins en moins de monde dans les rues. Mais sur les routes, les phares continuent d'éclairer l'asphalte des villes et des campagnes. Des rencontres au fil de la nuit, au restaurant routier d'Arcy-sur-Cure qui demeure ouvert pour accueillir ses camionneurs, et à bord d’un bus parisien qui s'éloigne vers la banlieue.
Quelques rares oiseaux de nuit sont encore en route pour aller quelque part. Aux alentours d’une heure du matin, le premier Noctilien N41 va bientôt partir. Issa, un agent de sécurité de la SNCF, attend ce bus. Il est plutôt sceptique face à l'épidémie.
Pour moi, la maladie c’est psychologique. Ça ne tue pas. […] Ne t’inquiète pas. Cette maladie n’existe pas.
Une fois à bord du bus, les passagers sont rares. Un groupe d'adolescentes monte. Elles ont entre 16 et 17 ans, sont en route pour rejoindre des ami.e.s. La nuit est déjà tombée depuis un moment, mais les filles n'ont pas peur. Elles savent se défendre, au cas où, elles savent où viser, disent-elles. Ce qui leur fait peur, c'est plutôt de perdre son téléphone ou de se faire attraper par ses parents...
Mon père ne sait pas que je suis sortie la nuit. Un jour... Je ne vais jamais l'oublier... Il m'a frappée parce que je suis rentrée tard. Il m'a mis de gros coups de poing.
Les jeunes filles se demandent si la maladie existe vraiment. Leurs certitudes sont ailleurs : le bac sera difficile. Elles continuent de sortir malgré les mesures restrictives, comme si la maladie n'existait pas.
— Et le couvre-feu, vous vous en fichez ?
— Franchement oui. Tout le monde sort, ça sert à rien.
Le trajet parisien s'achève aux cotés d'une dame qui va au travail, monitrice dans un centre pour personnes en situation de handicap, beaucoup moins sereine que les autres passagers de la nuit rencontrés jusque là.
Le Covid a changé beaucoup de choses. On ne vit pas. Que ce soit le bus ou le métro, je flippe beaucoup. Pendant longtemps, je portais un petit bonnet sur la tête parce que j'avais peur que le microbe tombe sur mes cheveux et me contamine.
À des centaines de kilomètres de Paris, le voyage continue. Au bord de la D606, au "Four à bois" d'Arcy-sur-Cure, le propriétaire n'accueille plus que des camionneurs dans son restaurant, depuis qu'une femme a été désagréable avec la serveuse.
C'est mieux les camions. Le soir ils ne sont pas pressés, ils peuvent trainer des heures au bar ou en salle, ça ne me gêne pas. Ce que je n'aime pas c'est le stress.
Les routiers sont devenus une famille chez Jean-Claude, où ils forment de grandes tablées. Peu importe s'ils se connaissent ou non, c'est ici qu'ils trouvent du réconfort :
On ravitaille beaucoup de choses pour la population, mais ça, les gens ils n'ont pas encore bien cerné... On se fait beaucoup insulter sur la route parce qu'on n'avance pas. On est limité à 80 sur la route.
Lorsqu'on croise un camion, on ne s'imagine pas toujours ce qu'il contient...
On a beaucoup travaillé, dans ma société on fait le stockage et la livraison de cercueils. C'est bizarre comme transport, mais on le fait.
Si les routiers retiennent les bonnes adresses, celle-ci n'est pas faite pour les végétariens. Au menu : de gros morceaux de bœuf, des frites, des pièces de veau de 600g. Jean-Claude, ancien boucher, parachutiste et camionneur, se sent plus tranquille depuis que les gendarmes sont venus manger chez lui. Les concurrents le laissent d'ailleurs tranquille :
On a eu les gendarmes au premier confinement, les deux voitures se sont garées là, complètement de travers [...] et le gendarme vient me voir et me dit : "vous êtes répertoriés sur le truc de la gendarmerie, alors on vient manger".
Même s'il y a eu quelques tensions - entre jalousie et délation paraît-il - le resto routier continue d'accueillir les passionnés de la route.
L'essentiel c'est qu'ils se régalent et qu'ils soient heureux. On n'est pas là que pour servir et dire "mange et casse toi", quoi.
- Reportage : Sophie Simonot et Pauline Maucort
- Réalisation : Clémence Gross
Merci à Lucas de la RATP, à Jean-Claude et Mimi du relais routier "Au four à bois" sur la D606. Sachez que Jean-Claude et Mimi offrent le repas aux cinq premiers auditeurs et/ou auditrices qui viennent déjeuner au nom des Pieds sur Terre.
Musique de fin : "Hold Back the Sun - Retiens la nuit", Johnny Halliday - Adaptation des paroles en anglais : Margie Singleton - Album : Sings America's Rockin' Hits.
Le numéro d'urgence pour les enfants victimes de violence :
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