Sushi de cheval

Chaque année, environ 1 000 chevaux s'envolent vers le Japon pour être y être abattus.
Chaque année, environ 1 000 chevaux s'envolent vers le Japon pour être y être abattus. ©Getty - picture alliance
Chaque année, environ 1 000 chevaux s'envolent vers le Japon pour être y être abattus. ©Getty - picture alliance
Chaque année, environ 1 000 chevaux s'envolent vers le Japon pour être y être abattus. ©Getty - picture alliance
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Délaissée en France, la viande de cheval est un met très apprécié des Japonais, qui la dégustent notamment sous forme de sushi ou de sashimi, à des prix exorbitants. La France est le deuxième exportateur de chevaux vivants vers le Japon. Enquête sur ce nouveau business, dans les Pyrénées et à Paris.

Connaissez-vous le basashi ? Il s’agit d’une spécialité culinaire de l’île de Kyushu, l’île la plus au sud du Japon, et en particulier de la région de Kumamoto. Surnommé "sakura-niku", soit "viande-fleur de cerisier" en raison de son rouge intense, ce met est composé de viande de cheval crue servie en sashimi ou en sushi, accompagnée de sauce soja ou de wasabi. Cette viande de luxe, vendue à trois cent euros le kilos, est tellement recherchée que le Japon dépend de l'importation pour répondre à la demande locale. Pour le marché japonais, la France est le deuxième pays exportateur de chevaux vivants.

Des sushi de viande de cheval crue, servis dans un restaurant japonais.
Des sushi de viande de cheval crue, servis dans un restaurant japonais.
© Getty - South China Morning Post

Dans la vallée d’Aspe, dans les Pyrénées-Atlantiques, un jeune éleveur fait visiter à Anaëlle Verzaux son exploitation familiale. Jean a dix-neuf ans et consomme régulièrement de la viande de cheval, comme la plupart de ses amis. Pour lui, peu à peu, "les Français reviennent à la viande de cheval, notamment les jeunes” : il cite même certaines de ses amies qui sont de grandes adeptes de l’équitation et qui ne refusent pas de manger un steak de cheval. Néanmoins, rappelle Jean, la consommation de viande chevaline en France est "à la marge, comparé à ce qui part au Japon”

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En effet, si l’exploitation de ses parents, à l’origine un élevage de brebis, a survécu à la crise, c’est bien parce qu’ils ont choisi d’élever une soixantaine de juments bretonnes pour ensuite exporter leurs poulains au Japon. Des poulains de vingt mois, engraissés dans des centres spécialisés dans toute la France, et qui doivent prendre l’avion pour arriver vivants au Japon – une condition sine qua non pour garantir la fraîcheur du basashi.

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Selon Jean, même si on pourrait se questionner sur le bien-fondé de ce système d’exportation, la situation reste acceptable. Le jeune homme souligne en effet l'attention portée à la question de la maltraitance animale : "Pour l'avoir vu, je suis particulièrement étonné du bien-être du transport." 

Mais son avis n’est pas partagé par tout le monde. De nombreuses associations, françaises ou japonaises, dénoncent à la fois une "aberration écologique" et les mauvais traitements infligés à ces chevaux.

"Le transport dure environ douze heures. Les chevaux sont généralement envoyés par groupes de cent. Ils sont mis dans des caissons en bois à usage unique, quatre par quatre, sans séparateurs. Il y a un vrai problème de sécurité : au décollage et à l'atterrissage, il y a une très forte poussée. On a un problème également lié à la déshydratation potentielle puisqu'il y a des variations de température importantes sur le vol. Les turbulences et le bruit causent un stress énorme pour les chevaux. L'ensemble de ces conditions de transport n'est absolument pas acceptable." Lorène, de la fondation Brigitte Bardot

Pour Vanessa, militante écologiste, "il faut arrêter tout ce transport", car pour elle, la solution est simple : "il pourrait y avoir des chevaux produits sur place et consommés sur place au Japon, et des chevaux produits ici et consommés ici en France". Surtout que la viande de cheval vendue en supermarché et consommée en France n’est généralement pas française.

Une autre solution serait de "remplacer" le transport des chevaux vivants "par le transport des carcasses", comme le suggère Philippe, bénévole à l'Association de défense des animaux de ferme Welfarm. Procéder à l'abattage des chevaux en France permettrait de garder la main sur les conditions d'équarrissage et de respecter les normes de bien-être animal en vigueur en Europe. En effet, au Japon, les normes ne sont pas les mêmes, et elles sont plutôt moins bonnes - ainsi l’ONG japonaise Animal Rights Center dénonçait en 2017 les conditions d’engraissement et d’abattage des chevaux au Japon.

Dès lors, il convient de se demander comment concilier les intérêts économiques des éleveurs français, la question de l’éthique animale et celle de l’impact environnemental de telles pratiques...

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Merci à Didier et à Jean, l’éleveur de chevaux, ainsi qu’à ses parents. Merci aussi à Vanessa, Philippe, Lorène, à l’association Welfare et à la fondation Brigitte Bardot.

Reportage : Anaëlle Verzaux   

Réalisation : Emily Vallat   

Mixage : Philip Merscher

Chanson de fin : “Pony boy” de The Allman Brothers Band.

Pour aller plus loin :

"Exportation aérienne de chevaux vers le Japon : une absurdité de plus !", Fondation Brigitte Bardot, 11 avril 2022.

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