C’est un week-end au début ou à la fin de l’année au cours duquel on accueille les nouveaux étudiants ou salue les anciens. Lola, Vincent et Tim racontent leur week-end d’intégration ou, parfois, de désintégration. Des histoires de pression de groupe, de quête d’identité ou d'amour.
C’était le 26 septembre 2014. Tim rencontre une jeune fille sympathique qui s’appelle Orlane. Le week end d’intégration auquel ils doivent participer approche : Tim souhaite découvrir de nouvelles personnes.
Arrivé sur place, le jeune homme commence à s’amuser. Il boit, il fume, il danse et rigole. La soirée se passe bien.
Je danse aussi avec Orlane. Elle avait autour de son cou une écharpe en fourrure, c’était assez marrant. C’était doux, et je m’amusais avec. […] On s’est embrassé assez naturellement.
Tim est surpris : il ne se reconnait pas dans ce comportement inédit. Alors que la soirée continue, il a envie de vomir. Face à Orlane, il a peur de perdre pied :
Je pars en disant que je vais aux toilettes. Je vais en fait derrière un arbre, je vomis, et je reviens en pleine forme, complètement soulagé. Puis on reprend la soirée comme elle est.
Le lendemain, c’est la gueule de bois. Tim sent une certaine distance de la part d'Orlane. Mais, à la faveur d’une nouvelle soirée, les deux se rapprochent à nouveau. Le lien se retisse. Au moment de dormir, Tim tremble de froid. Orlane vient alors le réchauffer. La nuit qu’ils passent ensemble est plaisante.
Mais voilà : en rentrant à Paris, la belle part sans dire au revoir. Tim est en proie au doute, mais il se décide à recontacter Orlane. Sept ans plus tard, leur relation a bien évolué…
Dès sa rentrée en école de communication, Vincent entend parler d'un fameux week-end d'intégration. Si l'étudiant songe à profiter de la vie après des mois de classes préparatoires, il se pose toutefois des questions.
Je sais que ça a ses travers. Ça peut être très sympa mais c’est globalement un passage obligé, où tout le monde ne tire pas son épingle du jeu.
Après moult hésitations, Vincent se fait violence et prépare ses valises. Dans le car, il préfère cependant s’isoler avec sa musique alors que ses amis, eux, sont très excités :
Ce que je crains s’installe : je vois déjà une espèce d’entité de « groupe » qui se crée. La singularité des gens ne ressort pas, c’est plutôt une masse, en l’occurrence de mecs.
Une fois sur place, les festivités commencent : batailles de farine, sports, amusements. Une « logique martiale » bon enfant se met en place avant la soirée. Les amis de Vincent décident à cette occasion de tordre le thème « chic » et se travestissent en femmes. Lui ne s’en sent pas capable et opte pour le costard. L’alcool coule à flots et la soirée se déroule sans accroc :
De fil en aiguille, je me trouve à comprendre qu’une fille est sur moi, que je lui fais de l’effet. On danse, on boit, et sans m’en rendre compte, je me retrouve dans le champ à côté du préau. Elle m’embrasse, je me laisse faire et on rentre danser. Je me rends compte que j’en avais pas du tout envie.
Si ses amis rigolent, Vincent ne se reconnait pas : homosexuel, il a l’impression, entre autres, d’avoir plié face à la pression du groupe.
À 27 ans, Lola se souvient aussi de la pression qu’elle a subie lors de son week-end d’intégration. C’était en classes préparatoires à Lille. Tout a commencé par la nomination d’élèves au sein des classes :
Les étudiants de deuxième année étaient chargés de nommer dans chaque classe des fonctions. Il y avait des miss, des misters et une panthère rose, la personne qui faisait des câlins aux gens quand ils avaient des coups de mous.
Sans vraiment le vouloir, Lola est désignée « miss ». On lui force la main, on la persuade. Elle doit même défiler. Et est élue avec une de ses camarades.
L’après-midi se passe dans un parc : le bizutage s’annonce physique. Au moment de la soirée, Lola s’arrange pour être la « remplaçante » de sa camarade. Dans un sous-sol où se mélangent les vapeurs d’alcool, Lola apprend que la miss des miss doit être élue. Pour cela, il faut se déshabiller sur le bar. L'étudiant se demande alors ce qu’elle fait là :
Je me déshabille, mais je garde ma culotte et mon chapeau sur ma poitrine. Les autres miss, elles, étaient seins nus. Pour moi, c’était impossible de faire ça.
La jeune fille sent des mains sur son corps. Elle a la sensation d’être comme sur un « étal de boucher » :
Il y avait quatre ou cinq mains différentes. Putain, j’avais l’impression d’être un morceau de viande.
Dépassée, Lola prend ses affaires et part. En colère contre elle-même, elle rumine.
Encore aujourd’hui, je me demande comment j’ai pu faire ce truc. Pourquoi faut-il passer par l’humiliation pour intégrer les gens dans ces formations ? Je ne comprends pas.
Reportage : Alice Babin
Réalisation : Emily Vallat
Merci à Lola, Vincent, Tim et Orlane.
Musique de fin : « Blood On Me », Sampha - Album : Process, 2016 - Label : Young.
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