De simples citoyens, salariés, parents d'élèves, conseillers municipaux, se battent pour changer le monde et y parviennent. Ils mènent des combats victorieux pour le bien commun.
Directrice de la sécurité alimentaire devenue lanceuse d'alerte, Yasmine Motarjemi revient sur son parcours vertigineux.
Alors qu'elle travaille à l'OMS, Yasmine Motarjemi est recrutée par Nestlé comme directrice de la sécurité alimentaire au niveau mondial. Nous sommes en 1999. Yasmine Motarjemi est enthousiaste à l'idée d'occuper un tel poste au sein de la plus grosse industrie alimentaire du monde. Mais à son arrivée, ce qu'elle remarque immédiatement, c'est la culture de la peur.
Dès le début, j'ai été choquée par la culture de la peur qui régnait dans l'entreprise. Lorsqu'on m'a présentée à mes collègues, c'était le silence complet : personne n'osait parler ou poser de questions. Tout le monde semblait considérer le PDG de l'époque comme l'Empereur de Chine.
En 2002, deux premières plaintes contre la multinationale sont déposées par des consommateurs, dont les nourrissons se sont étouffés avec des biscuits commercialisés par Nestlé. Yasmine Motarjemi veut retirer ces biscuits du marché, sans succès. En 2009, une histoire similaire se produit dans des proportions plus graves encore. Aucune leçon n'a donc été tirée des premières plaintes, et pour cause :
A ce moment-là, les managers se voient encouragés, par un système de bonus, à ne pas retirer les produits du marché même s'ils sont contaminés. Cela incite les managers à prendre des risques.
Au même moment, le directeur de la sécurité alimentaire France, responsable des produits incriminés, obtient une promotion et devient le responsable hiérarchique de Yasmine Motarjemi. Pour elle, les choses se compliquent.
Suite à nos différences d'opinion, et étant donné que j'étais une menace pour son bonus, il commence un processus de harcèlement, de représailles à mon encontre. Il me dénigre, démantèle mon équipe, fait barrage à tous mes projets.
Courrier de Yasmine Motarjemi à M. Schneider (PDG de Nestlé S.A)
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Plus tard, Nestlé est impliqué dans l'une des plus grandes intoxications alimentaires du monde : 300 000 bébés sont intoxiqués en Chine, au moins 13 d'entre eux meurent. Une enquête est menée. Nestlé est contraint de retirer ses produits mais est disculpé. Ce qui n'enlève rien, d'après Yasmine Motarjemi, à la responsabilité qui incombe à l'entreprise :
Si Nestlé avait vérifié ses produits comme toute entreprise responsable doit le faire, elle aurait découvert la contamination et aurait pu donner l'alerte. Nestlé avait l'opportunité de prévenir la plus grande intoxication de l'histoire de la sécurité alimentaire. Lorsqu'on parle de la sécurité sociale de l'entreprise, quelle plus grande responsabilité que de contribuer à la surveillance de la sécurité de la chaine alimentaire ?
Suite à ce scandale, une réunion de crise est organisée. On "oublie" d'inviter Yasmine Motarjami, qui constate par ailleurs que son nom a disparu de l'organigramme. Elle ne tarde pas à être licenciée.
Le seul moyen pour moi de révéler ce que je savais était alors de faire un procès, de présenter mes informations au tribunal.
Au-delà du combat mené contre la multinationale et ses défaillances, Yasmine Motarjemi se retrouve à mener un autre combat, un combat avec elle-même cette fois-ci, pour garder espoir.
On parle souvent du combat des lanceurs d'alerte. L'un d'entre eux, c'est de préserver sa santé mentale. C'est un grand combat. Je dois tout le temps mettre mon âme dans une camisole pour qu'elle se comporte comme il faut, pour que je ne devienne pas hystérique.
J'ai perdu toute ma vie, ma carrière, 35 ans d'expériences, ma famille a souffert. Tout ça pour rien. J'aimerais que les consommateurs sachent que la façon dont on a traité mon affaire fait que personne d'autre ne parlera. Et ce sont eux, les consommateurs, qui seront les victimes des prochains accidents.
Pour aller plus loin :
- Vers la page Facebook de soutien à Yasmine Motarjemi
- Le média des lanceurs d'alerte "Le mur des insoumis"
- Depuis notre reportage, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois à Lausanne a donné raison à Yasmine Motarjemi en condamnant le groupe Nestlé.
Texte de Yasmine Motarjemi - "Mon devoir envers la société" - Février 2015 - Journal "L'essor" (Suisse)
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- Reportage : Inès Léraud
- Réalisation : Emmanuel Geoffroy
Musique de fin : "Alpenglow", S. Carey - Album : Range of light (2014) - Label : Jagjaguwar.
Première diffusion : 12/05/2017.
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