

Confrontation de 2 oeuvres
- Yves Le Fur Directeur du patrimoine et des collections du musée du quai Branly, spécialiste d’arts premiers
« L’art nègre ? Connais pas ! ». Voilà la réponse que Florent Fels obtient de Picasso dans le troisième numéro de sa revue Action, en 1920. Le peintre a été sollicité par le critique dans le cadre d’une série d’interviews destinées à recueillir des “Opinions sur l’art nègre”.

Bolidenfa - Mali - Fin XIXème siècle -Dimensions : 60 x 41 x 22,5 - Matériaux : Matières composites (bois, terre, fragments de métal et organiques) - Année d’acquisition : 2009 - N° inventaire : 70.2009.40.1
Objet énigmatique par sa forme, sa matière, son contenu, ce personnage aux bras écartés est composé d’une armature de bois en croix dont les bras sont prolongés par des cornes d’antilope. Il appartient à la catégorie des « fétiches », objets de pouvoir des sociétés animistes, qui ont pris des formes variées à l’époque précoloniale. L’Abbé Joseph Henry qui fut l’un des premiers à entrer en contact avec ces objets et les commenter a publié dans son ouvrage L’âme d’un peuple africain - les Bambara (1910) un personnage au bras écartés très comparable à celui proposé par le vendeur, tenu en main par un prêtre de l’association du Kono dont il a relevé le nom : Zanké. Il souligne « un village ne passe pas huit jours sans offrir un sacrifice aux grands boli...à chaque instant on a recours à leur intervention ». Ces objets recevaient des sacrices qui modifiaient leur apparence première par la constitution progressive d’une gangue croûteuse dont l’épaisseur indiquait la réputation d’efficacité de l’objet. Ils étaient consultés pour rétablir les équilibres : leur qualité redoutable en faisait des acteurs de compétitions entre les sanctuaires et ceux qui les manipulaient. Cet objet extraordinaire et unique complète parfaitement les collections du musée riches d’exemples variés de fétiches bamana ou malinke dont les plus anciens ont été collectés par le géné ral Archinard à la fin du XIXe siècle et dont le plus célèbre est le fameux boli rapporté par la mission Dakar-Djibouti (1931-1933). Hélène Joubert, Conservateur en chef, Responsable de l’Unité patrimoniale Afrique du musée du quai Branly
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Aujourd’hui, nous observons ensemble non pas 1 mais 2 œuvres, un objet magique Bolidenfa du Mali, et une sculpture de Picasso, un bronze intitulé « femme » réalisé par l’artiste en 1948. Cette confrontation de deux œuvres, l’une de Picasso et l’autre issue des arts dits « primitifs » est au cœur du principe de l’exposition « Picasso Primitif » (28 mars – 23 juillet) au musée du quai Branly – Jacques Chirac.

Avec Yves Le Fur : Conservateur général, il est actuellement Directeur du département du patrimoine et des collections du musée du quai Branly - Jacques Chirac.

Conservateur du patrimoine à la section Océanie au Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie (MNAAO), Yves Le Fur fut ensuite responsable de la muséographie au sein de la section Océanie du musée du quai Branly - Jacques Chirac.
Il a organisé de nombreuses expositions relatives à l’art océanien, africain et américain, notamment, La mort n’en saura rien, reliques d’Europe et d’Océanie (Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, 1999) ainsi que l’exposition d’ouverture du musée du quai Branly - Jacques Chirac à l’automne 2006, D’un regard l’Autre, Histoire des regards européens sur l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie. En 2012, Yves Le Fur a été le commissaire de l’exposition Cheveux Chéris, Frivolités et trophées.
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Focus sur 2 œuvres en miroir : Bolidenfa malien (page 272 du catalogue) et le bronze de femme MP 332 de Pablo Picasso - Musée Picasso Paris- (page 273 du catalogue). Nous ne pourrons vous montrer les 2 oeuvres car elles n'étaient pas en libre accès pour la presse. Malgré tout, le bronze de Pablo Picasso est visible à 1'39 de la vidéo de présentation de l'exposition (à voir plus bas) et la photo du bolidenfa, ainsi que l'histoire de son acquisition, se trouvent dans le lien hypertexte ci-dessus.
« Quand je me suis rendu pour la première fois au musée du Trocadéro (…) je me suis forcé à rester, à examiner ces masques, tous ces objets que des hommes avaient exécutés dans un dessein sacré, magique, pour qu’ils servent d’intermédiaires entre eux et les forces inconnues hostiles, qui les entouraient, tâchant ainsi de surmonter leur frayeur en leur donnant couleur et forme. Et alors j’ai compris que c’était le sens même de la peinture. Ce n’est pas un processus esthétique ; c’est une forme de magie qui s’interpose entre l’univers hostile et nous, une façon de saisir le pouvoir, en imposant une forme à nos terreurs comme à nos désirs. Le jour où je compris cela, je sus que j’avais trouvé mon chemin. » Picasso cité par Françoise Gilot, Vivre avec Picasso (1964)

Musique (extraits) : Luna error : Selene - Christian Buck / Christian Wolfarth – The Music Of Katharina Weber, Jack Callahan, Alex Goretzki et Alfred Zimmerlin - Steve Roden / In Be Tween Noise pour Every Color Moving (1988-2003) - Ogrob et Vomir dans Diffusions Intradermiques Et Enregistrements En Cavités Corporelles.
Textes lus par Jean O'Cottrell
Textes (extraits) : Picasso / Apollinaire, Correspondance, Gallimard, (1992), p. 201 - Picasso cité par Françoise Gilot dans Vivre avec Picasso, chez Calmann-Lévy (1964) - André Salmon, en 1912, dans son Histoire anecdotique du cubisme. Jeune peinture française - Dans Propos d’artistes, Picasso reprend et explique sa formulation « L’art nègre ? Connais pas ! » à Florent Fels pour Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques - Paul Guillaume, Éditions Toguna, p. 8 - Léopold Sédar Senghor, Masque nègre, du recueil Chants d’ombre , éditions Seuil(1956) - Picasso cité par Brassaï, Conversations avec Pablo Picasso, Gallimard, (1964).

Le Ça est entendu au sens freudien comme l’énergie psychique inconsciente ayant son origine dans la pulsion de vie (libido) et la pulsion de mort. L’artiste est plus que d’autres en relation avec ces forces dans lesquelles il puise et qu’il transpose. Picasso semble s’être aventuré loin dans ces profondeurs où battent ces forces instinctives, aux frontières de l’informe et des entités indistinctes, à la manière des sorciers aux dispositifs amorphes. Yves Le Fur, sur le catalogue de l'exposition
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