La crise de la Covid-19 a été un révélateur pour de nombreux pays : leurs économies ne sont pas souveraines mais dépendent de l’extérieur. La relocalisation de la production et donc de la consommation, est-elle la solution ?
- Erik Orsenna Écrivain, membre de l’Académie française
- Isabelle Méjean Économiste, professeure à Sciences Po, prix du meilleur jeune économiste 2020
- José Bové Syndicaliste. Cofondateur de la confédération paysanne. Député européen de 2014 à 2019.
Pour cette troisième émission des Rencontres de Pétrarque, nous recevons José Bové, Erik Orsenna et Isabelle Méjean pour évoquer les modalités des productions agricoles et industrielles. A quelle échelle produire ? et pour quel marché ?
Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie (...) à d’autres est une folie » discours du Président de la République, le 12 mars 2020.
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Réguler la mondialisation
Le développement des politiques libre-échangistes a bénéficié aux pays en terme de croissance. Cependant, les Etats sont aujourd’hui confrontés aux limites de ces politiques.
José Bové évoque l’absence de contrôle politique et économique sur les actions des entreprises multinationales.
“Il y a des aberrations : les accords de libre échange mis en place -qui sont la nouvelle face de cette globalisation- et produisent des dégâts sur l'avenir des paysans.
Par exemple, l'accord du Mercosur : c'est 99 millions de tonnes de viande qui rentreraient dans l'Union européenne. Alors que l’on produit déjà plus de boeuf que ce dont on a besoin pour la consommation interne ! C’est une situation qui a été construite de manière complètement idéologique à l'époque Tatcher, Reagan et qui est en train d’être confrontée à ses limites." José Bové
"C'est une affaire d'intérêts ! On importe de la viande pour pouvoir en échange vendre de l'alcool ! On est dans une idéologie libérale, mais il y a une asymétrie sur les conditions de production." Erik Orsenna
Il y a une nécessaire réciprocité puisque en fonction des secteurs, certains pays ont besoin d'importer ou d'exporter.
"La grande distribution est devenue l'agent absolu du fait qu'on ait pu ne pas augmenter les salaires." Erik Orsenna
"Les règles de l'OMC devraient être basées sur les droits fondamentaux : droit du travail, droit de l'alimentation, droit de l'environnement. Cela devrait être ces règles qui fixent les limites des marchés." José Bové
Relocaliser à quelle échelle ?
La caractéristique du commerce mondial est qu'on produit des biens industriels complexes dans des chaînes de valeur qui sont très fortement fragmentées. C'est-à-dire que chaque étape de la production d'un bien va se faire dans une entreprise qui peut être localisée dans un pays différent.
Qu'en est-il des biens stratégiques ? Par exemple, l'Europe a un avantage comparatif très important en ce qui relève du matériel médical.
Il faut nécessairement des politiques publiques pour accompagner et encourager ces relocalisations. Elles représentent donc un coût pour le budget de l'Etat ainsi que pour les consommateurs.
"Les souverainetés se construisent à plusieurs niveaux. La souveraineté, cela ne veut pas dire autarcie ! Ce n'est absolument pas le renfermement sur soi ni la reconstruction de frontières. Il faut reconstruire, non pas en terme de concurrence, mais en terme de solidarité ! D'où la nécessité de s'appuyer sur les droits." José Bové
"Il y a une forte souveraineté européenne sur le secteur automobile. Evidemment se pose la question de l'emploi derrière cette proposition de ré-industrialisation. [...] Par le passé, ces expériences de politique de l'offre n'ont pas toujours eu l'efficacité espérée." Isabelle Méjean
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