Célébration des 70 ans du Festival de Cannes assombries par le drame de Manchester, célébration du génie de Rodin asséchée par Jacques Doillon, mais célébration de la puissance poétique du cinéma grâce à Naomi Kawase et Abbas Kiarostami.
Dans un Festival de Cannes déjà sous haute tension sécuritaire, après l'attentat de Nice, celui de Manchester a assombri les festivités prévues hier pour ses 70 ans. Feu d'artifice annulé, minute de silence observée sur les marches du Palais à 15h en solidarité avec les victimes, il fallait cependant montrer qu'on ne se laisse pas faire et que la vie continue. 113 personnalités, acteurs et cinéastes, dont 11 anciennes Palmes d'or sont donc venues hier soir célébrer l'histoire prestigieuse du Festival. Et le film français présenté aujourd'hui en compétition semble prolonger cet esprit patrimonial. C'est un centenaire qui est célébré, celui de Rodin. Après le loupé Godard par Hazanavicius, on était curieux de ce que le si subtil Jacques Doillon allait faire de la statue de l'écrasant sculpteur. Si on peut lui savoir gré d'avoir évité la reconstitution pesante, passage obligé de l'exercice, avec ses robes Belle Epoque et ses figurants au milieu des fiacres, pour se concentrer sur les ateliers et le travail de création d'Auguste Rodin et de son élève et maîtresse Camille Claudel, on regrettera l'absence de chair et de mouvement, paradoxale concernant une œuvre sculpturale qui ne recherchait qu'elles, et des dialogues qui semble sortir du catalogue du musée. Le film sort aujourd'hui en salles, vous pourrez vous faire votre idée.
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Au-delà du regard, au loin, la lumière
On aura de loin préféré la célébration du cinéma menée par la Japonaise Naomi Kawase avec « Vers la lumière ». C'est une merveille que ce film, l'histoire d'une jeune femme, audio descriptrice de son état, métier qui consiste à décrire à l'usage des aveugles les images d'un film, qui va se rapprocher d'un photographe en train de perdre la vue. Cette réflexion poétique, sensuelle et extrêmement sensorielle sur la nature même du cinéma, et sa capacité à filmer de l'invisible, se termine par un beau haïku : "Au-delà du regard, au loin, la lumière...", et pourrait valoir à Naomi Kawase, première réalisatrice en lice cette année, une belle Palme d'or. Il y a 20 ans, en 1997, c'est Abbas Kiarostami qui l'avait eue avec "Le Goût de la cerise". Son film posthume, "24 frames", présenté hier dans le cadre des 70 ans du Festival, a lui aussi été un moment d'intense émotion poétique. C'est finalement, et heureusement, par ses films que le Festival se célèbre le mieux !
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