Célébration de l'alexandrin - Exercice d'amour du vers de douze pieds

Un podcast original pour une Expérience signée Olivier Chaumelle, réalisée par Julie Beressi.

Certaines oreilles entraînées, généralement situées de part et d'autre d'un cerveau dérangé, ont la capacité de détecter instantanément un alexandrin de passage. Ça peut devenir gênant. Si, lors d'un entretien avec votre patron qui vous dit : "Vous n'avez pas rempli votre mission, Monsieur !", vous lui répondez : "Un alexandrin !", vous pouvez craindre de ne pas conserver votre poste. 

Plus ou moins sophistiqué, plus ou moins lourdaud, le vers de douze pieds nous côtoie de près. Dissimulé derrière son rythme lancinant, il s'immisce discrètement dans notre monde prosaïque. Parfois il surgit brusquement, comme un diable de sa boîte. Il sonne. Il s'impose. 

C'est probablement le nombre douze qui lui confère cette assurance aristocratique, cette place de choix. Souvenez-vous, il y avait douze pence dans un shilling, les œufs et les escargots sont encore vendus par douze, nous achetons les couverts et la vaisselle par lots de douze pièces. Beaucoup d'éléments de nos existences vont encore par douze, dans notre univers décimal. Douze est un nombre harmonieux, divisible par deux, trois, quatre, six. 

L'alexandrin le plus connu de Stéphane Mallarmé : Un coup de dés jamais n'abolira le hasard, compte treize pieds. Treize à la douzaine, comme pour les huîtres, il ne faut pas bouder son plaisir. Même à quatorze ou quinze, on la prend, la douzaine. 

Comme nous sommes d'un naturel à la fois rebelle et paresseux, nous nous permettrons quelques licences vis-à-vis des règles pourtant très strictes de la métrique et de la versification, et même, à l'égard des auteurs statufiés, quelques irrévérences. 

L'alexandrin est météorologique, il est dans nos livres de géographie, dans nos métros avec "Attention à la marche en descendant du train". L'alexandrin est partout, c'est une langue versifiée ! 

-- Julia de Gasquet

Pour aller plus loin

• 618 avatars de Nerval, site recensant les transformations du poème de Gérard de Nerval El desdichado : Je suis le ténébreux
• La vie d'une forme : l'alexandrin renaissant (1452-1573), par Olivier Halévy, dans L'information littéraire, 2004
• Code Napoléon, mis en vers, site Gallica

Générique

Archives INA : Anne Delaveau

Avec : 

• Jean-Michel Gouvard, professeur de littérature française à l'Université Bordeaux-Montaigne 
• Julia de Gasquet, comédienne, maître de conférence à l'Institut d'Études Théâtrales, Sorbonne Nouvelle
• Yves Boudier, poète, président du Marché de la poésie
• Alain Chevrier, historien des formes poétiques
• Jacques Jouet, écrivain, poète, membre de l'OuLiPo, Ouvroir de Littérature Potentielle
• Jean-Marc Hovasse, professeur de littérature française à la Sorbonne, spécialiste de Victor Hugo
• Henri Scepi, professeur de littérature française à l'Université

Musique originale : Eliahou Haziza 

Lectures : Frédéric Bocquet et Catherine Tartarin 

Prise de son : Yann Fressy, Michel Gacic, Adelino Melo, Olivier Ferroux et Edward Rubinsztein

Mixage : Valérie Lavallart 

Réalisation : Julie Beressi

Une création sonore de Olivier Chaumelle

Remerciements

Merci à David Christoffel, Alain Dulac, Stéphanie Fromentin, Bruno Fuligni, Mathis Jugdé et au service de presse de l'Assemblée Nationale.