

En 2014-2015, la France découvrait avec stupeur que des milliers de jeunes français, musulmans ou fraîchement convertis, partaient pour le Jihad.
Personne n’avait rien vu venir tandis qu’un nouveau bréviaire s’imposait à nous avec les fichés S, la radicalisation et la déradicalisation. Musulmans, frères musulmans, salafistes, islamistes, l'amalgame était facile et tout le monde devenait terroriste. Amin Boutaghane se souvient : "Entre la fin des années 90 et le début des années 2000, les dérives urbaines ont commencé à cohabiter avec un fait religieux plutôt radical. On a laissé le champs libre aux salafistes."
La réponse publique se faisait attendre au milieu d’une "foire" à la déradicalisation dans laquelle de multiples associations, des magiciens sans magie - chacun se voulant plus légitime que les autres - proposaient des solutions miracles face à la montée du fait religieux. Amin Boutaghane regrette le manque d'anticipation : "Déradicalisation voudrait dire que, par une intervention extérieure, la personne pourrait revenir en arrière. Mais si la personne est passée à l'acte, on ne pourra pas revenir en arrière. Alors que prévenir la radicalisation, c'est possible. On peut encore intervenir en leur proposant un bon chemin."
Si Nicole Belloubet, la Garde des Sceaux, était confiante s’agissant des premiers essais de "déradicalisation" qu’elle voulait "démultiplier" à l’aune des résultats qu’elle qualifiait de "plutôt positifs", l’échec de l’expérience menée au centre de Pontourny, fermé en 2017 un an après son ouverture, rappelle la difficulté des pouvoirs publics à définir une méthode claire et éprouvée pour contrer le phénomène de radicalisation. Alors que l’administration pénitentiaire avait su agir avec les Corses, les Basques et l’extrême gauche, l’islamisme radicale était un phénomène nouveau. Amin Boutaghane précise : "On prend conscience en 2015 de la montée en puissance d'Al-Qaïda et de l'émergence de Daech avec la pire matérialisation possible : un attentat Al-Qaïda sur Charlie Hebdo et Daech le lendemain avec Coulibali, Montrouge, l'hyper cacher. Et ça met en évidence le fait que Mohammed Merah n'était pas une affaire de loup isolé, ses relations en liens avec Daech le prouvent."
D’ailleurs, on ne parle plus de déradicalisation -terme qui ne veut pas dire grand chose- mais de désengagement par le travail, l’emploi, le logement et la réinsertion. Mais comme le disent les acteurs du Comité de prévention et de la radicalisation (CIPDR), il n’existe pas de baguette magique.
Liens
- Prévenir la radicalisation : actions et ressources du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.
- Facteurs de protection et facteurs de risque facilitant le désengagement de l’extrémiste violent djihadiste : études sur les variables de devenir de 450 djihadistes. Article de Dounia Bouzar & Michel Bénézech paru dans la revue Criminalistique, n°1-2, 2019.
- Saisir les mécanismes de la radicalisation violente : pour une analyse processuelle et biographique des engagements violents. Rapport de recherche pour la Mission de recherche Droit et Justice, avril 2017.
- Engagement radical, désengagement et déradicalisation. Continuum et lignes de fracture. Article d’Isabelle Sommier, publié dans la revue Lien social et politique, n°68, automne 2012.
- Ce qui pousse les jeunes à la radicalisation islamiste (et à en sortir). Enquête proposée par le site d’informations Slate.fr en juin 2018.
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